Les disparus
avait été contrainte d'endurer des horreurs inimaginables
et dont la coquetterie presque adolescente, les danseuses en porcelaine, les
tableaux bucoliques, l'élégance affectée et le goût pour les jolis vêtements et
les bijoux étaient peut-être, me disais-je à présent, une sorte de récompense
superficielle, de réparation futile pour les choses horribles qui la hantaient
encore. J'ai donc choisi de croire que son Yankel avait été un des bons
policiers juifs.
Anna a dit quelque chose à Shlomo, qui s'est tourné vers moi
et a traduit. Elle dit, Il peut avoir honte de la façon dont ils se sont
comportés, du traitement.
Puis Shlomo a dit, J'ai une histoire pour vous, une histoire
privée, mais elle ne peut pas figurer dans votre livre, il faut que vous
arrêtiez votre magnétophone.
J'ai éteint le magnétophone. Il a commencé à parler.
C 'est peu de temps après,
juste au moment où nous nous apprêtions à quitter l'appartement d'Anna, qu'un
souvenir particulier est revenu en mémoire à Shlomo et a tout changé.
Nous avions parlé de Dusia Zimmerman, la fille dont le frère
avait été, du moins selon Meg Grossbard, le petit ami de Lorka pendant
l'Occupation... même si, maintenant que nous avions entendu parler d'un certain
Halpern, maintenant que nous avions entendu dire que Lorka avait été plus
« facile » que ne s'en étaient souvenus les autres, il était bien
difficile de savoir. Yulek Zimmerman avait péri, disait Shlomo, mais sa sœur
avait survécu. Il m'a raconté une histoire remarquable. Après la guerre, elle
s'était mariée avec un Belge à qui elle n'avait révélé qu'elle était juive que
bien des années après le mariage. Mais tout le monde savait qu'elle refusait de
parler à qui que ce soit, qu'elle défendait sa vie privée avec ténacité.
Hé bien, ai-je plaisanté, comme ça nous n'aurons pas besoin
d'aller en Belgique. C'était bien assez que nous soyons allés en Suède, que
nous ayons fait ce voyage de folie de New York à Londres, de Londres à
Stockholm, et retour de Stockholm à Londres, de Londres à Tel-Aviv !
Et je me suis dit que ça suffisait comme ça, cette
course-poursuite après Dyzia Lew, jusqu'en Israël.
C'est à cet instant précis que Shlomo s'est littéralement
frappé le front du plat de la main. Oooooh ! s'est-il exclamé,
Oh ! ! ! J'ai oublié ! ! ! Vous étiez en
Scandinavie ! Il y a un habitant de Bolechow qui vit à Copenhague. Aïe,
aïe, aïe, aïe !
J'ai dit, Qui ?
J'ai pensé, Peut-être qu'il n'est pas important.
Mais Shlomo, reprenant ses esprits, a dit simplement, Vous
savez quoi ? Nous allons lui parler. Nous allons l'appeler plus tard de chez
moi.
Après cette séance de photo avec Anna, nous étions censés
aller chez Shlomo pour un déjeuner de fête préparé par sa femme, Ester, une
femme solide, au visage rond, qui parlait peu l'anglais, mais dont la chaleur
et la générosité, en dépit de la barrière du langage, remplissaient chacun de
ses mots, de la même manière que les odeurs des mets délicieux qu'elle avait
rôtis, frits et cuits, chaque fois que je lui avais rendu visite, emplissaient
sa petite cuisine. C'était Ester qui m'avait dit, en inclinant la tête vers son
mari, alors que nous étions assis tous les trois devant le déjeuner gigantesque
qu'elle avait préparé pour ma première visite en Israël, Bolechow, Bolechow,
Bolechow ! et avait fait une grimace d'exaspération affectueuse
pendant qu'elle servait le kneydlakh à la louche.
A présent, dans la salle de séjour d'Anna Stern, je
demandais de nouveau, Qui est-ce ? Qui vit à Copenhague ?
Shlomo a parlé en yiddish, sur un ton excité, à Anna. J'ai
entendu Malcia Lewenwirths onkel. J'ai entendu, Akegn der DK DK :
le Dom Katolicki. En face du DK.
Der haus akegn die DK. La maison
en face du DK.
J'écoutais, de plus en plus impatient. Alors qui est cet
homme de Copenhague, Shlomo ?
Il m'a dit qu'il y avait un autre habitant de Bolechow dont
il avait complètement oublié de me parler, un homme très âgé du nom d'Adam
Külberg, qui avait vécu dans le quartier du Dom Katolicki. Il n'avait pas pensé
à m'en parler plus tôt, parce que Kulberg était parti en Union soviétique juste
avant l'arrivée des Allemands. Pour cette raison, il ne serait pas en mesure de
nous dire quoi que ce soit sur ce qui était arrivé aux Jäger. Il n'était plus
là. Il ne saurait rien.
J'ai pensé, Personne d'autre n'était
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