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Les disparus

Titel: Les disparus Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Daniel Mendelsohn
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son vaste taies d'autrefois, les tefillins en cuir attachés sur son avant-bras et son front. Il n'était pas du tout
inhabituel pour mon grand-père de pouvoir mener une conversation rudimentaire
pendant qu'il faisait sa prière : vous pouviez lui demander, par exemple, s'il
voulait pour son petit déjeuner Cream of Wheat ou jus de prune, et il se
tournait vers vous et vous jetait un regard tout en murmurant sa prière un peu
plus fort, d'une façon qui signifiait oui. Je mentionne ça parce que , au moment où j'avais ouvert la porte à Lonnie, mon grand-père s'était
approché de la rampe de l'escalier et, sans abandonner son texte en hébreu,
avait levé son bras lacé de cuir dans un geste qui était à la fois incrédule et
menaçant, et il avait simultanément levé la voix de manière à suggérer que
personne, sain d'esprit, ne pouvait venir sonner à huit heures du matin. Puis,
il avait tourné les talons et il était reparti dans la salle de séjour, mes
yeux ravis ne le quittant pas une seconde : mon grand-père tellement drôle et
exotique. Lorsque je m'étais retourné pour murmurer quelque chose à Lonnie, il
avait redescendu les escaliers du perron et disparu.
    Et c'est la dernière fois, disait mon grand-père en racontant
cette histoire, que nous l'avons vu, celui-là !
    Nous avions donc ces mœurs étranges dans la famille, les
prières de mon grand-père, l'insistance de ma mère pour que les chaussures
soient alignées sur le paillasson juste derrière la porte d'entrée. J'ai pensé
à ça, tout comme Matt venait de le faire, quand nous avons franchi le seuil de
l'appartement de Nina, et il m'est venu à l'esprit que ma mère, sans doute
lorsqu'elle était petite fille, avait intégré cette règle imposée par son père,
qui avait dû lui-même s'y plier, un demi-siècle plus tôt, parce qu'il avait
vécu, tout comme Nina un siècle plus tard, dans une petite ville de campagne où
en faisant cent mètres dans la rue vous aviez de fortes chances de couvrir vos
chaussures de cochonneries – de la poussière, de la boue, ou pire encore.
    L'appartement était minuscule. Une grande partie de la
petite salle de séjour était occupée par un grand canapé, sur lequel nous avons
presque tous – les quatre Mendelsohn et Alex – réussi à nous caler,
les jambes repliées devant la petite table basse. La salle de séjour donnait
sur une petite cuisine et une sorte de chambre, où trônait, pour autant que je
pouvais voir, un piano. Pendant que nous prenions place sur le canapé, Nina,
qui faisait des bruits divers dans la cuisine, continuait à bavarder d'une voix
forte et en ukrainien avec Alex, qui avait l'air amusé et aussi content que
nous ayons peut-être trouvé ce que nous cherchions. Nina a fini pat revenir de
la cuisine, une petite assiette à la main. Elle contenait des tranches du
saucisson local. Puis, elle est allée prendre sur la crédence une bouteille
poussiéreuse de ce qu'elle a décrit comme un Champagne de l'ère soviétique
– c'était bizarre de penser que les Soviétiques faisaient du Champagne,
avons-nous dit, mais elle a répliqué que c'était autrefois une grosse affaire à
l'Est, dans un des indéchiffrables « quelque chose – stan »
– et, après l'avoir débouché, elle en a versé dans chacun de nos verres de
fête. Ensuite, elle a préparé une tasse de Nescafé pour chacun de nous, ce
qu'elle avait l'air de considérer comme une faveur.
    C'est un grand honneur, nous a dit Alex, avec un regard
destiné à nous avertir.
    Matt, assis à côté de moi, a marmonné qu'il n'aimait pas le
Nescafé.
    Andrew et moi avons grincé des dents et dit simultanément,
Bois ce putain de Nescafé, Matt.
    Je me suis demandé ce que pouvait bien penser Alex. Alex est
un type costaud, blond, sociable, de trente-cinq ans environ, avec un grand
sourire permanent entre des fossettes roses. Depuis la dissolution de l'Union
soviétique, il avait fait profession d'emmener les Juifs américains dans les shtetls de l'Europe de l'Est, autour de sa ville natale de L'viv, qu'il nous a
fièrement fait visiter (pendant le tour de la ville, il m'avait assuré qu'il
n'y avait aucun château dans les environs de Bolechow qui ait autrefois
appartenu à un aristocrate polonais). Au cours des dix dernières années, il en
était venu à connaître plus de choses sur l'histoire des Juifs de Galicie que
les Juifs eux-mêmes. Il était le premier Ukrainien à qui j'aie jamais eu
vraiment

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