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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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à nostre importunité d'une force
forcée. La beauté, toute puissante qu'elle est, n'a pas dequoy se
faire savourer sans ceste entremise. Voyez en Italie, où il y a
plus de beauté à vendre, et de la plus fine, comment il faut
qu'elle cherche d'autres moyens estrangers, et d'autres arts pour
se rendre aggreable : et si à la verité, quoy qu'elle face estant
venale et publique, elle demeure foible et languissante. Tout ainsi
que mesme en la vertu, de deux effects pareils, nous tenons
neantmoins celuy-là, le plus beau et plus digne, auquel il y a plus
d'empeschement et de hazard proposé.
    C'est un effect de la providence divine, de permettre sa saincte
Eglise estre agitée, comme nous la voyons de tant de troubles et
d'orages, pour esveiller par ce contraste les ames pies, et les
r'avoir de l'oisiveté et du sommeil, où les avoit plongees une si
longue tranquillité. Si nous contrepoisons la perte que nous avons
faicte, par le nombre de ceux qui se sont desvoyez, au gain qui
nous vient pour nous estre remis en haleine, resuscité nostre zele
et nos forces, à l'occasion de ce combat, je ne sçay si l'utilité
ne surmonte point le dommage.
    Nous avons pensé attacher plus ferme le noeud de nos mariages,
pour avoir osté tout moyen de les dissoudre, mais d'autant s'est
dépris et relasché le noeud de la volonté et de l'affection, que
celuy de la contraincte s'est estrecy. Et au rebours, ce qui tint
les mariages à Rome, si long temps en honneur et en seurté, fut la
liberté de les rompre, qui voudroit. Ils gardoient mieux leurs
femmes, d'autant qu'ils les pouvoient perdre : et en pleine licence
de divorces, il se passa cinq cens ans et plus, avant que nul s'en
servist.
    Quod licet, ingratum est, quod
non licet, acrius urit
.
    A ce propos se pourroit joindre l'opinion d'un ancien, que les
supplices aiguisent les vices plustost qu'ils ne les amortissent :
Qu'ils n'engendrent point le soing de bien faire, c'est l'ouvrage
de la raison, et de la discipline : mais seulement un soing de
n'estre surpris en faisant mal.
    Latius excisæ pestis contagia
serpunt
.
    Je ne sçay pas qu'elle soit vraye, mais cecy sçay-je par
experience, que jamais police ne se trouva reformée par là. L'ordre
et reglement des moeurs, dépend de quelque autre moyen.
    Les histoires Grecques font mention des Argippees voisins de la
Scythie, qui vivent sans verge et sans baston à offenser : que non
seulement nul n'entreprend d'aller attaquer : mais quiconque s'y
peut sauver, il est en franchise, à cause de leur vertu et
saincteté de vie : et n'est aucun si osé d'y toucher. On recourt à
eux pour appoincter les differents, qui naissent entre les hommes
d'ailleurs.
    Il y a nation, où la closture des jardins et des champs, qu'on
veut conserver, se faict d'un filet de coton, et se trouve bien
plus seure et plus ferme que nos fossez et nos hayes.
     
    Furem signata sollicitant. Aperta effractarius
præterit
. A l'adventure sert entre autres moyens, l'aisance, à
couvrir ma maison de la violence de noz guerres civiles. La defense
attire l'entreprise, et la deffiance l'offense. J'ay affoibly le
dessein des soldats, ostant à leur exploit, le hazard, et toute
matiere de gloire militaire, qui a accoustumé de leur servir de
titre et d'excuse. Ce qui est faict courageusement, est tousjours
faict honorablement, en temps où la justice est morte. Je leur rens
la conqueste de ma maison lasche et traistresse : Elle n'est close
à personne, qui y heurte. Il n'y a pour toute provision, qu'un
portier, d'ancien usage et ceremonie : qui ne sert pas tant à
defendre ma porte, qu'à l'offrir plus decemment et gratieusement.
Je n'ay ny garde ny sentinelle, que celle que les astres font pour
moy.
    Un gentil-homme a tort de faire montre d'estre en deffense, s'il
ne l'est bien à poinct. Qui est ouvert d'un costé, l'est par tout.
Noz peres ne penserent pas à bastir des places frontieres. Les
moyens d'assaillir, je dy sans batterie et sans armée, et de
surprendre noz maisons, croissent touts les jours, au dessus des
moyens de se garder. Les esprits s'aiguisent generalement de ce
costé là. L'invasion touche touts, la defense non, que les riches.
La mienne estoit forte selon le temps qu'elle fut faitte : je n'y
ay rien adjousté de ce costé la, et craindroy que sa force se
tournast contre moy-mesme. Joint qu'un temps paisible requerra,
qu'on les defortifie. Il est dangereux de ne les pouvoir regaigner
: et est difficile de s'en asseurer.
    Car en matiere de

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