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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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guerres intestines, vostre vallet peut estre
du party que vous craignez. Et où la religion sert de pretexte, les
parentez mesmes devienent infiables avec couverture de justice. Les
finances publiques n'entretiendront pas noz garnisons domestiques.
Elles s'y espuiseroient. Nous n'avons pas dequoy le faire sans
nostre ruine : ou plus incommodeement et injurieusement encore,
sans celle du peuple. L'estat de ma perte ne seroit guere pire. Au
demeurant, vous y perdez vous, voz amis mesmes s'amusent à accuser
vostre invigilance et improvidence, plus qu'à vous pleindre, et
l'ignorance ou nonchalance aux offices de vostre profession. Ce que
tant de maisons gardées se sont perduës, où ceste cy dure : me fait
soupçonner, qu'elles se sont perduës de ce, qu'elles estoyent
gardées. Cela donne et l'envie et la raison à l'assaillant. Toute
garde porte visage de guerre : Qui se jettera, si Dieu veut, chez
moy : mais tant y a, que je ne l'y appelleray pas. C'est la
retraitte à me reposer des guerres. J'essaye de soustraire ce
coing, à la tempeste publique, comme je fay un autre coing en mon
ame. Nostre guerre a beau changer de formes, se multiplier et
diversifier en nouveaux partis : pour moy je ne bouge. Entre tant
de maisons armées, moy seul, que je sçache, de ma condition, ay fié
purement au ciel la protection de la mienne : Et n'en ay jamais
osté ny vaisselle d'argent, ny titre, ny tapisserie. Je ne veux ny
me craindre, ny me sauver à demy. Si une pleine recognoissance
acquiert la faveur divine, elle me durera jusqu'au bout : sinon,
j'ay tousjours assez duré, pour rendre ma durée remerquable et
enregistrable. Comment ? Il y a bien trente ans.

Chapitre 16 De la gloire
    IL y a le nom et la chose : le nom, c'est une voix qui remerque
et signifie la chose : le nom, ce n'est pas une partie de la chose,
ny de la substance : c'est une piece estrangere joincte à la chose,
et hors d'elle.
    Dieu qui est en soy toute plenitude, et le comble de toute
perfection, il ne peut s'augmenter et accroistre au dedans : mais
son nom se peut augmenter et accroistre, par la benediction et
loüange, que nous donnons à ses ouvrages exterieurs. Laquelle
loüange, puis que nous ne la pouvons incorporer en luy, d'autant
qu'il n'y peut avoir accession de bien, nous l'attribuons à son
nom, qui est la piece hors de luy, la plus voisine. Voylà comment
c'est à Dieu seul, à qui gloire et honneur appartient : Et n'est
rien si esloigné de raison, que de nous en mettre en queste pour
nous : car estans indigens et necessiteux au dedans, nostre essence
estant imparfaicte, et ayant continuellement besoing
d'amelioration, c'est là, à quoy nous nous devons travailler. Nous
sommes tous creux et vuides : ce n'est pas de vent et de voix que
nous avons à nous remplir : il nous faut de la substance plus
solide à nous reparer : Un homme affamé seroit bien simple de
chercher à se pourvoir plustost d'un beau vestement, que d'un bon
repas : il faut courir au plus pressé. Comme disent nos ordinaires
prieres,
Gloria in excelsis Deo, Et in terra pax
hominibus
. Nous sommes en disette de beauté, santé, sagesse,
vertu, et telles parties essentieles : les ornemens externes se
chercheront apres que nous aurons proveu aux choses necessaires. La
Theologie traicte amplement et plus pertinemment ce subject, mais
je n'y suis guere versé.
    Chrysippus et Diogenes ont esté les premiers autheurs et les
plus fermes du mespris de la gloire : Et entre toutes les voluptez,
ils disoient qu'il n'y en avoit point de plus dangereuse, ny plus à
fuir, que celle qui nous vient de l'approbation d'autruy. De vray
l'experience nous en fait sentir plusieurs trahisons bien
dommageables. Il n'est chose qui empoisonne tant les Princes que la
flatterie, ny rien par où les meschans gaignent plus aiséement
credit autour d'eux : ny maquerelage si propre et si ordinaire à
corrompre la chasteté des femmes, que de les paistre et entretenir
de leurs loüanges.
    Le premier enchantement que les Sirenes employent à piper
Ulysses, est de ceste nature :
    Deça vers nous, deça, ô
tresloüable Ulysse,
Et le plus grand honneur dont la Grece fleurisse
.
    Ces philosophes là disoient, que toute la gloire du monde ne
meritoit pas qu'un homme d'entendement estendist seulement le doigt
pour l'acquerir :
    Gloria quantalibet quid erit, si
gloria tantum est ?
    Je dis pour elle seule : car elle tire souvent à sa suite
plusieurs commoditez, pour lesquelles elle se peut rendre desirable
:

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