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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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quisque parat cum bella quiescunt
.
    Hos inter fremitus novósque
lusus,
Stat sexus rudis insciusque ferri,
Et pugnas capit improbus viriles
.
    Ce que je trouverois fort estrange et incroyable, si nous
n'estions accoustumez de voir tous les jours en nos guerres,
plusieurs miliasses d'hommes estrangers, engageants pour de
l'argent leur sang et leur vie, à des querelles, où ils n'ont aucun
interest.

Chapitre 24 De la grandeur romaine
    JE ne veux dire qu'un mot de cet argument infiny, pour montrer
la simplesse de ceux, qui apparient à celle la, les chetives
grandeurs de ce temps.
    Au septiesme livre des
Epistres familieres
de Cicero
(et que les grammairiens en ostent ce surnom, de familieres, s'ils
veulent, car à la verité il n'y est pas fort à propos : et
ceux qui au lieu de familieres y ont substitué
ad
familiares
, peuvent tirer quelque argument pour eux, de ce que
dit Suetone en la
Vie de Cæsar
, qu'il y avoit un volume de
lettres de luy ad familiares) il y en a une, qui s'adresse à Cæsar
estant lors en la Gaule, en laquelle Cicero redit ces mots, qui
estoyent sur la fin d'un'autre lettre, que Cæsar luy avoit
escrit : Quant à Marcus Furius, que tu m'as recommandé, je le
feray Roy de Gaule, et si tu veux, que j'advance quelque autre de
tes amis, envoye le moy.
    Il n'estoit pas nouveau à un simple citoyen Romain, comme estoit
lors Cæsar, de disposer des Royaumes, car il osta bien au Roy
Dejotarus le sien, pour le donner à un gentil-homme de la ville de
Pergame nommé Mithridates. Et ceux qui escrivent sa vie
enregistrent plusieurs Royaumes par luy vendus : et Suetone
dit qu'il tira pour un coup, du Roy Ptolomæus, trois millions six
cens mill'escus, qui fut bien pres de luy vendre le sien.
    Tot Galatæ, tot Pontus eat, tot
Lydia nummis
.
    Marcus Antonius disoit que la grandeur du peuple Romain ne se
montroit pas tant, par ce qu'il prenoit, que par ce qu'il donnoit.
Si en avoit il quelque siecle avant Antonius, esté un entre autres,
d'authorité si merveilleuse, qu'en toute son histoire, je ne sçache
marque, qui porte plus haut le nom de son credit. Antiochus
possedoit toute l'Ægypte, et estoit apres à conquerir Cypre, et
autres demeurants de cet empire. Sur le progrez de ses victoires,
C. Popilius arriva à luy de la part du Senat : et d'abordée,
refusa de luy toucher à la main, qu'il n'eust premierement leu les
lettres qu'il luy apportoit. Le Roy les ayant leuës, et dict, qu'il
en delibereroit : Popilius circonscrit la place où il estoit
avec sa baguette, en luy disant : Ren moy responce, que je
puisse rapporter au Senat, avant que tu partes de ce cercle.
Antiochus estonné de la rudesse d'un si pressant commandement,
apres y avoir un peu songé : Je feray (dit-il) ce que le Senat
me commande. Lors le salüa Popilius, comme amy du peuple Romain.
Avoir renoncé à une si grande Monarchie, et cours d'une si fortunée
prosperité, par l'impression de trois traits d'escriture ! Il
eut vrayement raison, comme il fit, d'envoyer depuis dire au Senat
par ses ambassadeurs, qu'il avoit receu leur ordonnance, de mesme
respect, que si elle fust venuë des Dieux immortels.
    Tous les Royaumes qu'Auguste gaigna par droict de guerre, il les
rendit à ceux qui les avoyent perdus, ou en fit present à des
estrangers.
    Et sur ce propos Tacitus parlant du Roy d'Angleterre Cogidunus,
nous fait sentir par un merveilleux traict ceste infinie
puissance : Les Romains (dit-il) avoyent accoustumé de toute
ancienneté, de laisser les Roys, qu'ils avoyent surmontez, en la
possession de leurs Royaumes, soubs leur authorité : à ce
qu'ils eussent des Roys mesmes, utils de la servitude :
Ut
haberent instrumenta servitutis et reges
.
    Il est vray-semblable, que Solyman, à qui nous avons veu faire
liberalité du Royaume d'Hongrie, et autres estats, regardoit plus à
ceste consideration, qu'à celle qu'il avoit accoustumé
d'alleguer ; qu'il estoit saoul et chargé, de tant de
Monarchies et de domination, que sa vertu, ou celle de ses
ancestres, luy avoyent acquis.

Chapitre 25 De ne contrefaire le malade
    IL y a un epigramme en Martial qui est des bons, car il y en a
chez luy de toutes sortes : où il recite plaisamment
l'histoire de Cælius, qui pour fuir à faire la cour à quelques
grans à Rome, se trouver à leur lever, les assister et les suyvre,
fit la mine d'avoir la goute : et pour rendre son excuse plus
vray-semblable, se faisoit oindre les jambes, les avoit
enveloppees, et contre-faisoit

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