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Les Essais, Livre II

Les Essais, Livre II

Titel: Les Essais, Livre II Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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desroboit pour l'apprendre, comme
mestier de subtilité, desrogeant à la vraye et naïfve vertu,
    Non schivar, non parar, non
ritirarsi,
Voglion costor, ne qui destrezza ha parte,
Non danno i colpi finti hor pieni, hor scarsi,
Toglie l'ira e il furor l'uso de l'arte,
Odi le spade horribilmente urtarsi
A mezzo, il ferro il pie d'orma non parte,
Sempre è il pie fermo, è la man sempre in moto,
Ne scende taglio in van ne punta à voto
.
    Les butes, les tournois, les barrieres, l'image des combats
guerriers, estoyent l'exercice de nos peres : Cet autre
exercice, est d'autant moins noble, qu'il ne regarde qu'une fin
privée : Qui nous apprend à nous entreruyner, contre les loix
et la justice : et qui en toute façon, produict tousjours des
effects dommageables. Il est bien plus digne et mieux seant, de
s'exercer en choses qui asseurent, non qui offencent nostre
police : qui regardent la publique seurté et la gloire
commune.
    Publius Rutilius Consus fut le premier, qui instruisit le
soldat, à manier ses armes par adresse et science, qui conjoignit
l'art à la vertu : non pour l'usage de querelle privée, ce fut
pour la guerre et querelles du peuple Romain. Escrime populaire et
civile. Et outre l'exemple de Cæsar, qui ordonna aux siens de tirer
principalement au visage des gensdarmes de Pompeius en la bataille
de Pharsale : mille autres chefs de guerre se sont ainsi
advisez, d'inventer nouvelle forme d'armes, nouvelle forme de
frapper et de se couvrir, selon le besoing de l'affaire present.
Mais tout ainsi que Philopoemen condamna la lucte, en quoy il
excelloit, d'autant que les preparatifs qu'on employoit à cet
exercice, estoient divers à ceux, qui appartiennent à la discipline
militaire, à laquelle seule il estimoit les gens d'honneur, se
devoir amuser : il me semble aussi, que ceste adresse à quoy
on façonne ses membres, ces destours et mouvements, à quoy on
dresse la jeunesse, en ceste nouvelle eschole, sont non seulement
inutiles, mais contraires plustost, et dommageables à l'usage du
combat militaire.
    Aussi y employent communement noz gents, des armes
particulieres, et peculierement destinées à cet usage. Et j'ay veu,
qu'on ne trouvoit guere bon, qu'un gentil-homme, convié à l'espée
et au poignard, s'offrist en equipage de gendarme. Ny qu'un autre
offrist d'y aller avec sa cape, au lieu du poignard. Il est digne
de consideration, que Lachez, en Platon, parlant d'un apprentissage
de manier les armes, conforme au nostre, dit n'avoir jamais de
ceste eschole veu sortir nul grand homme de guerre, et nomméement
des maistres d'icelle. Quant à ceux là, nostre experience en dit
bien autant. Du reste, aumoins pouvons nous tenir que ce sont
suffisances de nulle relation et correspondance. Et en
l'institution des enfants de sa police, Platon interdit les arts de
mener les poings, introduittes par Amycus et Epeius : et de
lucter, par Antæus et Cecyo : par ce qu'elles ont autre but,
que de rendre la jeunesse apte au service bellique, et n'y
conferent point.
    Mais je m'en vois un peu bien à gauche de mon theme.
    L'Empereur Maurice, estant adverty par songes, et plusieurs
prognostiques, qu'un Phocas, soldat pour lors incognu, le devoit
tuer : demandoit à son gendre Philippus, qui estoit ce Phocas,
sa nature, ses conditions et ses moeurs : et comme entre autre
chose Philippus luy dict, qu'il estoit lasche et craintif,
l'Empereur conclud incontinent par là, qu'il estoit doncq meurtrier
et cruel. Qui rend les Tyrans si sanguinaires ? c'est le soing
de leur seurté, et que leur lasche coeur, ne leur fournit d'autres
moyens de s'asseurer, qu'en exterminant ceux qui les peuvent
offencer, jusques aux femmes, de peur d'une esgratigneure.
    Cuncta ferit dum cuncta
timet
.
    Les premieres cruautez s'exercent pour elles mesmes : de là
s'engendre la crainte d'une juste revanche, qui produict apres une
enfileure de nouvelles cruautez, pour les estouffer les unes par
les autres. Philippus Roy de Macedoine, celuy qui eust tant de
fusées à demesler avec le peuple Romain, agité de l'horreur des
meurtres commis par son ordonnance : ne se pouvant resoudre
contre tant de familles, en divers temps offensées : print
party de se saisir de touts les enfants de ceux qu'il avoit faict
tuer, pour de jour en jour les perdre l'un apres l'autre, et ainsi
establir son repos.
    Les belles matieres siesent bien en quelque place qu'on les
seme. Moy, qui ay plus de soin du poids et utilité des discours,
que de leur ordre et

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