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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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devient facile par sa difficulté.
    Jamais homme n'eut ses approches plus impertinemment genitales.
Cette voye d'aymer, est plus selon la discipline. Mais combien elle
est ridicule à nos gens, et peu effectuelle, qui le sçait mieux que
moy ? Si ne m'en viendra point le repentir : Je n'y ay
plus que perdre,
    me tabula sacer
Votiva paries, indicat uvida,
Suspendisse potenti
Vestimenta maris Deo
.
    Il est à cette heure temps d'en parler ouvertement. Mais tout
ainsi comme à un autre, je dirois à l'avanture, Mon amy tu resves,
l'amour de ton temps a peu de commerce avec la foy et la
preud'hommie ;
    hæc si tu postules
Ratione certa facere, nihilo plus agas,
Quam si des operam, ut cum ratione insanias 
:
    Aussi au rebours, si c'estoit à moy de recommencer, ce seroit
certes le mesme train, et par mesme progrez, pour infructueux qu'il
me peust estre. L'insuffisance et la sottise est loüable en une
action meslouable. Autant que je m'eslongne de leur humeur en celà,
je m'approche de la mienne.
    Au demeurant, en ce marché, je ne me laissois pas tout
aller : je m'y plaisois, mais je ne m'y oubliois pas : je
reservois en son entier, ce peu de sens et de discretion, que
nature m'a donné, pour leur service, et pour le mien : un peu
d'esmotion, mais point de resverie. Ma conscience s'y engageoit
aussi, jusques à la desbauche et dissolution, mais jusques à
l'ingratitude, trahison, malignité, et cruauté, non. Je n'achetois
pas le plaisir de ce vice à tout prix : et me contentois de
son propre et simple coust.
Nullum intra se vitium est
. Je
hay quasi à pareille mesure une oysiveté croupie et endormie, comme
un embesongnement espineux et penible. L'un me pince, l'autre
m'assoupit. J'ayme autant les blesseures, comme les meurtrisseures,
et les coups trenchans, comme les coups orbes. J'ay trouvé en ce
marché, quand j'y estois plus propre, une juste moderation entre
ces deux extremitez. L'amour est une agitation esveillee, vive, et
gaye : Je n'en estois ny troublé, ny affligé, mais j'en estois
eschauffé, et encores alteré : il s'en faut arrester là :
Elle n'est nuisible qu'aux fols.
    Un jeune homme demandoit au Philosophe Panetius, s'il sieroit
bien au sage d'estre amoureux : Laissons là le sage,
respondit-il, mais toy et moy, qui ne le sommes pas, ne nous
engageons en chose si esmeuë et violente, qui nous esclave à
autruy, et nous rende contemptibles à nous. Il disoit vray :
qu'il ne faut pas fier chose de soy si precipiteuse, à une ame qui
n'aye dequoy en soustenir les venues, et dequoy rabatre par effect
la parole d'Agesilaus, que la prudence et l'amour ne peuvent
ensemble. C'est une vaine occupation, il est vray, messeante,
honteuse, et illegitime : Mais à la conduire en cette façon,
je l'estime salubre, propre à desgourdir un esprit, et un corps
poisant : Et comme medecin, l'ordonnerois à un homme de ma
forme et condition, autant volontiers qu'aucune autre
recepte : pour l'esveiller et tenir en force bien avant dans
les ans, et le dilaier des prises de la vieillesse. Pendant que
nous n'en sommes qu'aux fauxbourgs, que le pouls bat encores,
    Dum nova canities, dum prima et recta
senectus,
Dum superest Lachesi quod torqueat, Et pedibus me
Porto meis, nullo dextram subeunte bacillo
,
    nous avons besoing d'estre sollicitez et chatouillez, par
quelque agitation mordicante, comme est cette-cy. Voyez combien
elle a rendu de jeunesse, de vigueur et de gayeté, au sage
Anacreon. Et Socrates, plus vieil que je ne suis, parlant d'un
object amoureux : M'estant dit-il, appuyé contre son espaule,
de la mienne, et approché ma teste à la sienne, ainsi que nous
regardions ensemble dans un livre, je senty sans mentir, soudain
une piqueure dans l'espaule, comme de quelque morsure de
beste ; et fus plus de cinq jours depuis, qu'elle me
fourmilloit : et m'escoula dans le coeur une demangeaison
continuelle : Un attouchement, et fortuite, et par une
espaule, aller eschauffer, et alterer une ame refroidie, et
esnervee par l'aage, et la premiere de toutes les humaines, en
reformation. Pourquoy non dea ? Socrates estoit homme, et ne
vouloit ny estre ny sembler autre chose.
    La philosophie n'estrive point contre les voluptez naturelles,
pourveu que la mesure y soit joincte : et en presche la
moderation, non la fuitte. L'effort de sa resistance s'employe
contre les estrangeres et bastardes. Elle dit que les appetits du
coprs ne doivent pas estre augmentez par l'esprit. Et nous advertit
ingenieusement, de

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