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Les Essais

Les Essais

Titel: Les Essais Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel de Montaigne
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son ventre : Vous voyiez chez
luy, en montre, un ordre de bassins de sept ou huict jours :
C'estoit son estude, ses discours : Tout autre propos luy
puoit. Ce sont icy, un peu plus civilement, des excremens d'un
vieil esprit : dur tantost, tantost lasche : et tousjours
indigeste. Et quand seray-je à bout de representer une continuelle
agitation et mutation de mes pensees, en quelque matiere qu'elles
tombent, puisque Diomedes remplit six mille livres, du seul subject
de la grammaire ? Que doit produire le babil, puisque le
begaiement et desnouement de la langue, estouffa le monde d'une si
horrible charge de volumes ? Tant de paroles, pour les paroles
seules. O Pythagoras, que n'esconjuras-tu cette tempeste !
    On accusoit un Galba du temps passé, de ce qu'il vivoit
oyseusement : Il respondit, que chacun devoit rendre raison de
ses actions, non pas de son sejour. Il se trompoit : car la
justice a cognoissance et animadversion aussi, sur ceux qui
chaument.
    Mais il y devroit avoir quelque coërction des loix, contre les
escrivains ineptes et inutiles, comme il y a contre les vagabons et
faineants : On banniroit des mains de nostre peuple, et moy,
et cent autres. Ce n'est pas moquerie : L'escrivallerie semble
estre quelque symptome d'un siecle desbordé : Quand
escrivismes nous tant, que depuis que nous sommes en trouble ?
quand les Romains tant, que lors de leur ruyne ? Outre-ce que
l'affinement des esprits, ce n'en est pas l'assagissement, en une
police : cet embesongnement oïsif, naist de ce que chacun se
prent laschement à l'office de sa vacation, et s'en desbauche. La
corruption du siecle se fait, par la contribution particuliere de
chacun de nous : Les uns y conferent la trahison, les autres
l'injustice, l'irreligion, la tyrannie, l'avarice, la cruauté,
selon qu'ils sont plus puissans : les plus foibles y apportent
la sottise, la vanité, l'oisiveté : desquels je suis. Il
semble que ce soit la saison des choses vaines, quand les
dommageables nous pressent. En un temps, où le meschamment faire
est si commun, de ne faire qu'inutilement, il est comme louable. Je
me console que je seray des derniers, sur qui il faudra mettre la
main : Ce pendant qu'on pourvoira aux plus pressans, j'auray
loy de m'amender : Car il me semble que ce seroit contre
raison, de poursuyvre les menus inconvenients, quand les grands
nous infestent. Et le medecin Philotimus, à un qui luy presentoit
le doigt à penser, auquel il recognoissoit au visage, et à
l'haleine, un ulcere aux poulmons : Mon amy, fit-il, ce n'est
pas à cette heure le temps de t'amuser à tes ongles.
    Je vis pourtant sur ce propos, il y a quelques annees, qu'un
personnage, de qui j'ay la memoire en recommandation singuliere, au
milieu de nos grands maux, qu'il n'y avoit ny loy, ny justice, ny
magistrat, qui fist son office : non plus qu'à cette
heure : alla publier je ne sçay quelles chetives reformations,
sur les habillemens, la cuisine et la chicane. Ce sont amusoires
dequoy on paist un peuple mal-mené, pour dire qu'on ne l'a pas du
tout mis en oubly. Ces autres font de mesme, qui s'arrestent à
deffendre à toute instance, des formes de parler, les dances, et
les jeux, à un peuple abandonné à toute sorte de vices execrables.
Il n'est pas temps de se laver et decrasser, quand on est atteint
d'une bonne fiévre. C'est à faire aux seuls Spartiates, de se
mettre à se peigner et testonner, sur le poinct qu'ils se vont
precipiter à quelque extreme hazard de leur vie.
    Quant à moy, j'ay cette autre pire coustume, que si j'ay un
escarpin de travers, je laisse encores de travers, et ma chemise et
ma cappe : je desdaigne de m'amender à demy : Quand je
suis en mauvais estat, je m'acharne au mal : Je m'abandonne
par desespoir, et me laisse aller vers la cheute, et jette, comme
lon dit, le manche apres la coignee. Je m'obstine à
l'empirement : et ne m'estime plus digne de mon soing :
Ou tout bien ou tout mal.
    Ce m'est faveur, que la desolation de cet estat ; se
rencontre à la desolation de mon aage : Je souffre plus
volontiers, que mes maux en soient rechargez, que si mes biens en
eussent esté troublez. Les paroles que j'exprime au mal-heur, sont
paroles de despit. Mon courage se herisse au lieu de s'applatir. Et
au rebours des autres, je me trouve plus devost, en la bonne, qu'en
la mauvaise fortune : suyvant le precepte de Xenophon, sinon
suyvant sa raison. Et fais plus volontiers les doux yeux au ciel,
pour le remercier, que

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