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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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commissaire rouvrit les paupières et haussa les épaules.
    — Si Gutiérrez n’a vraiment pas quitté sa chambre la nuit dernière, conclut-il avec acrimonie, il faudra rebattre les cartes.

40
    Le poisson que Massouda (ou Moussada) avait servi au dessert était rouge. On avait disposé des cerises entre les épaisses nageoires dorsales. Des pistaches verdâtres remplissaient la gueule à moitié ouverte, aux bords gonflés. Tout autour, une couronne de boudoirs reposait sur un lit de crème Chantilly. Quand Tron enfonçait la cuillère dans la masse brillante, le corps en gelée était pris d’un tremblement extatique et répandait un nuage d’ambre gris. Le commissaire devait résister à la tentation de porter la cuillère directement à sa bouche.
    Il n’aurait pas dû se resservir une cinquième (ou sixième ?) fois. Cependant, ce dessert au rhum était tout simplement divin – même si la recette, comme la princesse l’avait signalé en passant, provenait d’un prince de Salina, donc un Sicilien , dont elle avait en outre fait la connaissance à Paris, capitale du vice . Bon sang, se dit le commissaire, il faudrait quand même qu’il arrête de flairer partout des concurrents ou d’anciens amants. À ce mot, il ne put s’empêcher de penser au père Calderón. Il s’appuya contre le dossier de sa chaise et s’efforça de prendre une mine innocente. Dans le rapport qu’il venait de faire à la princesse pendant le repas, il avait jusqu’alors omis un élément.
    — Sais-tu par hasard où le père Calderón se trouvait hier soir ?
    La princesse lui adressa un regard méfiant.
    — Je ne vois pas le rapport.
    — Un témoin a aperçu un prêtre dans la cour, se justifia-t-il. Cela ne veut bien entendu rien dire.
    — Et malgré tout, tu me demandes ce qu’il faisait ? Je pensais que tu soupçonnais Gutiérrez ?
    Il hocha la tête.
    — De fait, l’ambassadeur pourrait très bien s’être déguisé. Ou alors il s’agit d’une pure coïncidence.
    — Dans ce cas, pourquoi chercher plus loin ? rétorqua-t-elle. Tu prétends toujours que tu crois au hasard.
    — Oui. Toutefois, les jeux restent ouverts tant que nous n’avons pas de preuve formelle contre Gutiérrez. Or ton ami ne m’a toujours pas fourni d’alibi.
    — En revanche, il t’a aiguillé vers Beust.
    — Oui, mais à tort, s’exclama Tron. Il m’a aussi expliqué pourquoi Gutiérrez est innocent.
    — Es-tu en train de suggérer qu’il te donne le change ?
    — Jamais ! répondit Tron en haussant les épaules.
    — On dirait que tu as une dent contre lui.
    C’était finement observé. Pourtant, jamais non plus, Tron ne l’avouerait.
    — Alors, sais-tu où il était la nuit dernière, oui ou non ?
    La princesse secoua la tête d’un air agacé.
    — Non, je n’en sais rien. Au Danieli , je suppose.
    — Eh bien, non ! répondit le commissaire.
    — Et Gutiérrez ? s’enquit-elle à son tour.
    — Lui non plus n’y était pas.
    — Eh bien, voilà !
    — Qu’est-ce que tu veux dire ?
    — Que c’était Gutiérrez, affirma-t-elle.
    Il lui adressa un pâle sourire.
    — Si Calderón avait passé la nuit dans sa chambre, je te donnerais raison.
    — Tu ne peux pas t’en empêcher, n’est-ce pas ?
    — De chercher l’assassin ? répliqua-t-il en souriant. Non, tu as raison. Seulement, je n’arrive à rien. Même pas à forger une hypothèse.
    — Et Bossi, lui, il a une hypothèse ?
    — Il s’est beaucoup retenu cette fois. De toute façon, il déteste tout ce qui porte une soutane.
    — Il verrait bien le père Calderón dans le rôle de l’assassin ?
    — En effet, concéda Tron.
    — Ce n’est pas la première fois que vous le soupçonnez.
    Le commissaire poussa un soupir.
    — Voilà bien le problème. Nous tournons en rond. Et à chaque tour, le rythme s’accélère. On dirait un manège dont tout le monde voudrait descendre au plus vite.
    — Eh bien, descends ! Abandonne ton métier.
    — Tu parles comme ma mère. À l’occasion, vous devriez vous entretenir sur mon avenir.
    — Nous l’avons déjà fait.
    Tron se pencha au-dessus de son assiette, stupéfait.
    — Vous avez parlé ? Quand ?
    — Ce matin. À cette même table.
    — Ma mère t’a rendu visite ?
    La princesse hocha la tête.
    — Elle n’a pas eu le moindre mal à distinguer Massouda de Wassouda.
    — Moi aussi, je pourrais y arriver s’ils ne se ressemblaient pas comme deux gouttes

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