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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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s’être défendue. Je n’ai relevé aucune ecchymose ni aux mains ni aux bras. A-t-on forcé la porte ?
    Tron fit non de la tête.
    — Dans ce cas, elle connaissait probablement le meurtrier et l’attaque a eu lieu par surprise.
    — Est-elle morte dès le premier coup de couteau ?
    Le docteur Lionardo fit une grimace indécise. Son regard parcourut de nouveau le cadavre.
    — L’assassin a frappé à quatre reprises. Seule l’autopsie révélera s’il a touché le cœur. La lame paraît avoir été fine et longue. Pourtant, il a manifestement dû l’achever par strangulation.
    De l’index, le médecin montra les contusions au niveau du cou de la jeune femme.
    — Avez-vous une idée de l’heure du décès ?
    — Depuis quand la pièce n’est-elle pas chauffée ?
    Lionardo tourna les yeux vers le poêle au-dessous de la fenêtre. Le commissaire haussa les épaules.
    — Sans doute depuis avant-hier soir. Il n’y avait plus de braise dans le foyer.
    — Dans ce cas, le crime pourrait avoir eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi. Le sang n’est pas encore tout à fait coagulé.
    — Ce qui fait un peu plus de trente-six heures ? demanda Tron.
    Le médecin hocha la tête.
    — Oui, à peu près.
    Il se pencha sur le corps de la victime et, d’un geste presque tendre, passa les doigts sur ses paupières pour les fermer.
    Cinq minutes plus tard, les brancardiers sortaient dans le couloir avec le cercueil. Tron les entendit le poser sur la gondole de police. Puis, par la fenêtre de la salle de séjour, il les vit s’éloigner. À chaque mouvement de la godille dans le tolet, les contours de l’embarcation s’atténuaient, jusqu’à s’effacer complètement dans la bruine qui tombait toujours du ciel.
    1 - Branche d’une calle (rue étroite). ( N.d.T. )

    2 - Ou Santa Maria del Giglio. ( N.d.T. )

7
    Avec son balai de ramilles, Angelina Zolli frottait le sol devant l’estrade en marbre du bénitier et sentait la colère monter en elle. Par temps sec, il n’était pas difficile de nettoyer l’église ; les nuages de poussière ne la dérangeaient pas. Mais quand il pleuvait, la boue collait comme de la glue sur le damier beige et rouge du pavement et signora Zuliani, l’épouse du sacristain, exigeait qu’elle donne un petit coup de serpillière pour finir . L’eau dans le seau était si froide qu’elle en avait les mains écarlates et raides au bout de cinq minutes à peine. En été, passe encore. Mais en hiver ou par un jour d’automne glacial comme celui-ci, cette corvée était un enfer – d’autant que personne ne prenait garde à s’essuyer les bottes sur le paillasson.
    Une fine couche de sciure sous le porche lui aurait considérablement facilité la tâche. Pourtant, lorsqu’elle s’était risquée à faire cette suggestion, signora Zuliani avait déclaré d’un ton brusque qu’on n’était pas dans une auberge – ce en quoi elle avait tort puisque, par temps de pluie, on utilisait cette technique à San Stefano, à San Moisè et même dans la basilique Saint-Marc.
    Angelina Zolli passa une nouvelle fois les ramilles sur la petite couche de boue. Rien n’y fit. Un coup de serpillière ! Elle posa le balai contre le bénitier, fit une grimace et se pressa le poing contre la bouche pour ne pas éclater en sanglots. Puis elle courut vers l’une des trois chapelles aménagées de chaque côté de la nef de Santa Maria Zobenigo. La Sainte Vierge tenait l’Enfant Jésus sur les genoux dans une position qui faisait craindre à tout moment la chute du Rédempteur. Cela n’empêchait pas sa mère de fixer un point imaginaire de l’autre côté de l’église.
    Parfois, lui avait dit le père Maurice, quand on s’adresse à elle avec une réelle ferveur, la Sainte Vierge nous envoie un signe. La jeune fille examina le visage de Marie, mais les traits de celle-ci restèrent aussi inertes et froids que le marbre dans lequel ils étaient taillés. Pourtant, que de questions elle aurait pu lui poser ! Que signifiait, par exemple, cette image floue dans laquelle elle croyait reconnaître une femme blonde et une maison splendide ? Angelina avait souvent cherché à pénétrer ce recoin de sa mémoire. Mais en dépit de ses efforts, la vision restait diffuse, trouble, comme un reflet à la surface agitée de l’eau.
    Ses premiers souvenirs distincts remontaient à l’Istituto delle Zitelle, le grand orphelinat sur l’île de la Giudecca où elle avait passé ses

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