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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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personne. Mlle Slataper venait du Frioul. Je crois qu’elle avait un frère à Görtz, mais il ne lui a jamais rendu visite.
    — De quoi vivait-elle ? Avait-elle un emploi fixe ?
    Les fines lèvres de la vieille dame dessinèrent un sourire pincé.
    — Elle n’avait pas besoin de travailler.
    — Pourquoi cela ?
    — Parce qu’elle était « fiancée ».
    Elle étira ce mot avec ironie.
    — Son fiancé payait tout ici.
    L’une de ses mains qu’elle tenait croisées se dégagea et traça un ample mouvement dans la pièce.
    — Connaissez-vous le nom de cet homme ?
    — Non.
    — Venait-il souvent ?
    — Une fois par semaine peut-être. C’est difficile à dire car elle faisait le lit elle-même.
    — Avez-vous eu l’occasion de le voir ?
    — Non. Mlle Slataper a toujours veillé à ce qu’il ne rencontre personne.
    — Voulez-vous dire qu’aucun habitant de l’immeuble ne l’a jamais vu ?
    — Non, je ne pense pas, répondit-elle en secouant son chignon. Sans doute utilisait-il la porte qui donne sur l’eau. Il n’avait aucune raison de passer par la cour.
    Tron s’assit sur une chaise.
    — On dirait que vous ne connaissiez pas beaucoup Mlle Slataper – même si vous veniez tous les deux jours.
    — C’est exact, admit-elle avec un sourire plus fin que jamais. Je ne la connaissais pas. Elle était très réservée.
    — Mais elle devait bien avoir des relations, des amis ?
    Elle réfléchit un instant.
    — Peut-être le père Maurice, finit-elle par suggérer d’une voix lente.
    — Le père Maurice ?
    — Oui, son confesseur. J’avais l’impression qu’elle bavardait avec lui de temps en temps.
    — Et où puis-je trouver le père Maurice ? s’enquit Tron.
    — C’est le curé de Santa Maria Zobenigo 2 .
    Elle releva la tête et, pendant un instant, leurs regards se croisèrent. Ses yeux, pensa le commissaire, avaient la couleur de ces champignons vénéneux qu’il suffit de toucher pour être empoisonné. Il se leva.
    — Je vous remercie d’avoir pris le temps de répondre à mes questions, signora.
    Il passa l’heure suivante à fouiller l’appartement. Son espoir de découvrir un détail qui aurait pu le faire avancer, voire un indice lui révélant l’identité du mystérieux fiancé fut déçu. Anna Slataper ne semblait pas entretenir de correspondance. Il ne trouva pas de lettre à son adresse, pas de papier, encre ou plume, mais tout juste, sur une étagère de la chambre, un exemplaire grand format des Fiancés de Manzoni, fermé par une courroie, ce qui ne signifiait d’ailleurs pas nécessairement que ce roman fût le sien. Il pouvait tout aussi bien appartenir à son amant.
    Cet examen confirma l’impression première du commissaire : Anna Slataper n’était ni riche ni pauvre. L’armoire renfermait une demi-douzaine de robes coûteuses, dont certaines provenant de Paris, qui laissaient à penser que son protecteur ne manquait pas d’argent et se montrait généreux. Néanmoins, il semblait désormais plus que douteux qu’il s’agît effectivement d’un fiancé. Selon toute vraisemblance, elle était la maîtresse d’un homme qui avait de bonnes raisons de garder l’anonymat. Pas de boîte à cigares ou de bouteille de cognac, pas de pantoufles, de sous-vêtements masculins ou de rasoir. L’étrange visiteur, quelle que fût son identité, voulait de toute évidence que cette relation restât secrète et avait évité avec soin de laisser la moindre trace. Exactement comme l’assassin, pensa Tron.
     
    Le docteur Lionardo apparut peu avant trois heures, en compagnie de deux brancardiers portant un cercueil, avec son éternelle mallette noire à la main et une expression de satisfaction sur le visage.
    —  Buon giorno, commissario ! s’exclama-t-il gaiement.
    Il lança son manteau qui atterrit sur la patère fixée au mur et retomba mollement – comme les lèvres du sergent Vazzoni dont Tron savait qu’il ne supportait pas le médecin légiste. Puis il ouvrit sa mallette, enfila une paire de gants en coton blanc et s’agenouilla sans un mot à côté du cadavre. Le commissaire admira une nouvelle fois la délicatesse avec laquelle il exécutait son travail, comme si le défunt pouvait encore ressentir la honte ou la douleur.
    Au bout d’un moment, il se releva et alluma une cigarette avec un plaisir évident.
    — Alors ?
    Le dottore inhala, puis recracha la fumée avant de répondre :
    — Elle ne semble pas

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