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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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gauche quand il glissa sa main droite dans la poche de son manteau et se retourna en fronçant les sourcils.
    — Peux-tu me dire où je peux trouver le père Maurice ?
    Mon Dieu, il s’en était fallu de peu ! Toutefois, sa main fouillait toujours l’intérieur de sa poche. Dans un instant, il se rendrait compte de la disparition de son portefeuille – à moins qu’elle ne parvînt à détourner son attention. Sans réfléchir, elle laissa tomber :
    —  Le plus pratique, c’est d’y aller à pied 1 .
    Cette phrase lui fit l’effet d’un pétard. Ses sourcils s’envolèrent. Il sortit la main de sa poche et la dévisagea, comme s’il venait seulement de s’apercevoir de sa présence.
    Au bout d’un moment, il répondit avec un sourire :
    — Je n’avais pas l’intention d’y aller à la nage, signorina.
    Elle fut à son tour surprise.
    — Vous parlez français ?
    Il éclata de rire.
    — Juste quelques mots.
    Puis il la regarda de nouveau avec attention.
    — Et toi, que fais-tu ici ?
    — J’étais en train de nettoyer.
    Elle montra le seau d’eau. Il jeta un coup d’œil sur la gadoue grise qui recouvrait le dallage.
    — Ce n’est pas encore très propre, remarqua-t-il.
    Elle ne put se retenir.
    — Forcément ! Personne ne s’essuie les pieds, lança-t-elle avec hargne.
    Elle regretta aussitôt ses propos, craignant qu’il ne la réprimande comme n’importe quel adulte.
    — Je suis désolé, s’excusa-t-il avec un air en effet légèrement coupable. Mais que fais-tu en dehors du ménage ? l’interrogea-t-il pour changer de sujet.
    Quelque chose dans sa manière de poser la question l’incita à répondre.
    — Le matin, je vais à l’école.
    — Tu habites ici ?
    — Oui, chez les Zuliani, les sacristains.
    — Ce sont tes parents ?
    Elle haussa les épaules.
    — Non, ma famille d’accueil.
    — Tu as toujours été chez eux ?
    Elle secoua la tête.
    — Non. Avant, j’étais sur la Giudecca.
    — À l’Institut ?
    Cette fois, elle hocha la tête et les sourcils du visiteur s’élevèrent à nouveau – ou plutôt, décollèrent de surprise. Toutefois, il s’abstint de tout commentaire. Il s’éclaircit brièvement la gorge et continua :
    — Qui t’a appris le français ?
    — Le père Maurice, répondit-elle avec nonchalance. Il vient de Paris.
    — Ah ! je ne savais pas. Où puis-je le trouver ?
    — Dans la sacristie.
    Elle lui sourit, gênée. Sous son tablier, le portefeuille de l’inconnu à la redingote usée jusqu’à la corde la brûlait soudain comme des charbons ardents.
    — Voulez-vous que j’aille le chercher ?
    Au nom du ciel, que lui prenait-il de proposer son aide ?
    À ce moment-là, l’homme fit un pas vers elle et lui tendit la main d’un geste presque cérémoniel.
    — Je m’appelle Alvise Tron, dit-il.
    Son sourire ne dénotait pas la moindre condescendance. Jamais encore un adulte ne lui avait parlé de cette manière.
    — Et toi, comment t’appelles-tu ?
    Elle ravala sa salive.
    — Angelina Zolli.
    — Quel âge as-tu, Angelina ?
    — Quatorze ans.
    Elle mentait. Elle n’avait que treize ans et demi. L’homme qui répondait au nom d’Alvise Tron lui adressa de nouveau un sourire gentil.
    — Dans ce cas, je devrais peut-être dire signorina Zolli ?
    Son regard erra un moment sur les dalles en forme d’échiquier. Puis avant de se retourner pour gagner la sacristie, il ajouta d’un air songeur :
    — Pour ma part, j’utiliserais de la sciure, signorina. C’est ce qu’ils font à San Moisè et à San Stefano.
    Pour cacher qu’elle venait de lui faire une place dans son cœur, elle cria dans son dos d’un ton rageur :
    — Et à Saint-Marc !
    1 - En français dans le texte. ( N.d.T .)

8
    Avec son beau visage de comédien et ses épais cheveux bruns, le père Maurice semblait tout droit sorti d’un roman d’Eugène Sue. Tron imagina aussitôt une tragique histoire d’amour (qui se passait bien entendu à Paris) l’ayant poussé à renoncer aux biens de ce monde et à consacrer son existence à Jésus le Rédempteur. Conformément à ce scénario, le prêtre portait une soutane élimée et une simple croix en bois pendue à sa poitrine. Seule la chevalière en or à sa main gauche tranchait avec le reste.
    La sacristie était une pièce basse, médiocrement éclairée par deux petites fenêtres. Une lampe à pétrole posée sur une grande table jetait un halo de lumière

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