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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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formée devant le portail après plusieurs jours de mauvais temps. La jeune fille observait la scène depuis quelques minutes et avait vu une demi-douzaine de personnes assez miséreuses, des locataires sans doute, contourner la mare pour entrer ou sortir. Elle savait que le bâtiment très profond donnait sur le Grand Canal, mais elle n’aurait pu dire où il se trouvait. Après avoir traversé le labyrinthe de ruelles entre le Fondaco 2 dei Turchi et San Stae, elle n’arrivait plus à s’orienter.
    Elle soupira. Elle aurait pu, elle aussi, franchir le portail au lion fissuré. Pourtant, elle hésitait, car elle n’était toujours parvenue à aucune décision. Était-il judicieux de jouer cartes sur table ? Toute la journée, elle s’était demandé que penser de l’inspiration qui avait précédé son réveil. C’était comme une… Quel mot le père Maurice employait-il déjà ? Ah, oui ! Une révélation . Une tache de lumière s’était dessinée dans l’obscurité. Sauf qu’il ne s’agissait pas du visage auréolé de la Sainte Vierge, mais de l’homme qui avait tué la jeune femme le dimanche précédent. Ce matin-là, avant d’émerger vraiment du sommeil, elle s’était rappelé ses traits. Et à présent, elle était toujours en mesure de décrire son nez, son front, son menton et la bouche sur laquelle il avait collé l’index pour exiger d’elle le silence.
    À partir de ce portrait, le commissaire Tron pourrait sans doute identifier l’assassin, surtout si elle lui confiait en plus l’avoir vu monter à bord de l’ Archiduc Sigmund . Il lui suffirait de passer en revue la liste des passagers et de poser quelques questions au commissaire du bord. Au fond, ce ne serait plus dès lors qu’un jeu d’enfant. Cela paraissait même si simple que…
    Elle repoussa cette idée – la tentation –, releva le col de sa cape et se dirigea vers la flaque. En tout état de cause, il lui fallait un peu d’argent. Le comte avait assuré qu’elle pouvait venir au palais quand elle le souhaitait. Elle se déciderait en le voyant, si jamais elle le voyait.
    Ainsi qu’elle s’en était doutée, le portail donnait accès à une cour intérieure. Ensuite, un passage traversait un autre bâtiment et conduisait dans une deuxième cour. Ici aussi, l’enduit sur les murs, l’ intonaco 3 , était en grande partie écaillé. Sur le côté d’une porte à nouveau surmontée par un lion héraldique, elle aperçut toute une série de petites plaques en laiton. En s’approchant, elle put lire : Agnelli, Volpi, Widman, Semazzano . Elle en déduisit que les propriétaires partageaient cette aile avec des locataires.
    Elle ouvrit, puis entra. Et là, même dans la triste lumière d’automne qui filtrait par les fenêtres, le palais Tron ressemblait enfin à un palais. Le sol du hall étonnamment spacieux était recouvert par des dalles en marbre de différentes couleurs. À dix pas environ, au pied de l’escalier qui s’élevait sur la droite avec une majestueuse lenteur, une grande porte était flanquée de deux imposantes lanternes. On en oubliait quasiment que l’angelot joufflu à l’extrémité de la rampe avait perdu un bras et que les marches dont elle avait entrepris l’ascension avec prudence étaient très endommagées.
    On en oubliait même (enfin, pas tout à fait) le seau en tôle, le balai et la balayette rangés dans une niche arrondie à l’angle du palier intermédiaire. En revanche, on ne pouvait pas manquer la grande étiquette collée sur le seau, où il était écrit : « Appartient aux Tron », ni le panonceau en carton marron, punaisé à la porte éraflée du premier étage, sur lequel elle put lire : « Tron. »
    Angelina dut frapper plusieurs fois pour qu’on vienne lui ouvrir. Un homme grand, dont les cheveux blancs luisaient dans la lueur de la lampe à pétrole suspendue au plafond, se tenait devant elle. Il portait un tablier au-dessus d’une sorte de livrée et la fixait, les commissures des lèvres baissées dans une expression de tristesse.
    — Tu apportes la facture du bois de chauffage, n’est-ce pas ? lui demanda-t-il d’une voix en apparence résignée, comme s’il s’agissait d’un événement longtemps redouté.
    Il lui donnait l’impression d’être très âgé. Pourtant, il se tenait bien droit. Son regard était chaud et gentil.
    Elle secoua la tête avec vivacité.
    — Non, monsieur. Je suis…
    Il lui coupa la parole en levant le

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