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Les fiancés de Venise

Les fiancés de Venise

Titel: Les fiancés de Venise Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Remin
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réponse :
    — N’oublions pas que Pucci était un ancien curé. Il devait se douter de la valeur de ces photographies aux yeux de l’Église. Peut-être connaissait-il le père Calderón et lui a-t-il proposé ses clichés.
    Il s’arrêta un instant et considéra la pointe de ses bottes. Puis il demanda :
    — Depuis quand Calderón est-il en Europe ?
    — Je l’ignore, répondit Tron. Tout ce que je sais, c’est que l’évêque Labatista dont il est le secrétaire a rencontré Maximilien à Miramar en juillet.
    — Dans ce cas, il est sans doute passé par Venise. En compagnie de Calderón…
    Le ton traînant sur lequel il prononça ces paroles laissait deviner ses pensées.
    — Vous suggérez que le prêtre aurait pu prendre contact avec Pucci ?
    — Oui ! s’enflamma Bossi. Et apprenant qu’Anna Slataper allait confesser toute l’histoire à l’archiduc, il est revenu la tuer !
    Ce scénario semblait beaucoup lui plaire. Il rayonnait. Son supérieur se douta de la question qu’il attendait et lui accorda ce plaisir.
    — Mais qui a tué Pucci dans votre hypothèse ?
    — Le père Calderón, bien sûr !
    — En d’autres termes, remarqua le commissaire en riant, tout ce que vous racontez sur Gutierréz peut aussi bien s’appliquer au père Calderón. Il y a cinq minutes, vous soupçonniez l’ambassadeur !
    Le sergent pencha la tête sur le côté.
    — Quand les faits ou les indices autorisent une autre conclusion, commissaire, un enquêteur ne peut refuser de la tirer.
    Encore une formule qu’il pourrait utiliser à l’examen, se dit Tron.

32
    La tradition voulait que les Vénitiens de souche trouvent leur chemin même dans le brouillard ou l’obscurité la plus complète. Il s’agissait bien entendu d’une légende, pensa le commissaire. Lui-même avait déjà les pires difficultés à traverser les deux cours du palais Tron dans le noir sans se cogner contre un mur. Par un jour comme celui-ci finalement, il se réjouissait des becs de gaz qui balisaient la riva degli Schiavoni et parsemaient d’auréoles jaunâtres l’air cotonneux qui pesait sur la ville.
    Au jardin du palais royal, il prit le bac en compagnie de deux sous-lieutenants des sapeurs taciturnes. Tandis qu’il regagnait le palais Balbi-Valier à travers le labyrinthe de ruelles, de l’autre côté du Grand Canal (s’étonnant lui-même de ne pas se perdre car il ne voyait pas le bout de son nez), il songea de nouveau aux propos de Gutiérrez. Au fond, à bien y réfléchir, les soupçons du Mexicain ne paraissaient pas si aberrants. La foi militante de Calderón pouvait justifier un éventuel intérêt pour les photographies compromettantes de Maximilien – deux constats qui le rendaient naturellement suspect.
    Cependant, il était tout aussi vraisemblable que la princesse lui dût la vie. Elle ne s’en était certes jamais ouverte. Mais Tron supposait que c’était lui, le garçon qui l’avait sauvée en ce jour fatal de 1849, quand elle n’était encore qu’une petite fille du nom de Maria Galotti 1 . Une dette pareille pesait lourd, non seulement pour elle, mais aussi pour lui – d’abord parce qu’il aimait la princesse, ensuite parce qu’il n’avait pas l’intention d’incarner le jaloux d’une pièce de Goldoni.
    En même temps, il n’arrivait pas à oublier qu’elle avait revu le père Calderón à Paris après plusieurs années de séparation. À Paris, capitale de tous les vices ! Elle n’avait rien confié de précis non plus au sujet de ces retrouvailles. Pourtant, malgré son silence, il s’était peut-être passé – ou avait failli se passer – quelque chose. Tron avait la sensation de percevoir un mystère, un léger voile jeté sur leurs regards, un ton différent dans les paroles qu’ils échangeaient.
    Évidemment, il ne pouvait expliquer ce doute, fruit de son imagination. Cela ne l’aidait guère. Il ne parvenait pas à se débarrasser d’un sentiment de gêne à l’égard du prêtre, d’une méfiance diffuse qui l’empêchait de se détendre en sa présence, d’une nervosité immédiate dès qu’il apercevait son beau profil et ses larges épaules. Non, pas la peine de se raconter des histoires : il le détestait.
     
    Au moment où il tira la sonnette du palais Balbi-Valier, il s’avoua qu’une partie de lui-même éprouverait le plus grand plaisir à chasser le père Calderón – que l’ avancement des recherches (pour parler comme Bossi) le

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