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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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regarda devant elle et ne vit pas la maison des Pronovost. Elle se retourna et ne vit pas la sienne non plus. Elle se demanda si elle devait rebrousser chemin ou poursuivre sa route. Ses sanglots étaient maintenant tellement violents qu’ils réussissaient à lui taire les hurlements du vent. Elle décida de rebrousser chemin, mue par la peur qu’un de ses enfants ne s’éveille et ne la cherche. Elle revint sur ses pas déjà effacés et impossibles à distinguer. Une contraction plus violente que les autres l’obligea à s’arrêter. Elle eut le pénible sentiment que jamais elle ne pourrait retrouver sa maison. Si seulement elle avait résisté à l’envie d’aller chercher du secours.
    La contraction fut immédiatement suivie d’une autre, plus violente encore. Emilie laissa échapper un cri de surprise et de douleur. Les eaux venaient de se rompre. Elle sentit leur tiédeur se changer en fraîcheur. Elle tenta d’accélérer le pas mais trébucha.
    Dès qu’elle sentit la neige s’engouffrer dans son collet, elle bascula dans un abîme de désespoir. Elle cessa de se battre et, résignée, s’abandonna à sa douleur, au froid et au vent. Elle se tourna sur le côté et la neige la couvrit rapidement. Émilie cessa de pleurer. Elle avait besoin de toute son énergie pour mettre fin à cette folle naissance. La plus folle des naissances qu’elle avait créées.
    Elle ahanait maintenant aussi fort que le vent. Son corps, bien à l’abri dans la fourrure de son manteau, expulsa l’enfant. Elle prit son manchon et, déboutonnant le manteau, elle réussit après plusieurs contorsions à y enfouir la petite masse chaude et gluante, encore accrochée à elle par son cordon de vie. Elle se releva péniblement, inquiète des conséquences que pourrait avoir une telle arrivée sur terre, et aperçut enfin une lueur dans la fenêtre de ce qu’elle reconnut comme sa maison. Elle s’y dirigea péniblement, perdant pied à plusieurs reprises. Elle parvint enfin à la porte, titubant et, d’une main agitée, réussit à ouvrir sans laisser de prise à la bise.
    Elle se précipita dans sa chambre, courbée par son ultime effort de ne pas échapper le manchon et son précieux contenu. Elle accrocha des ciseaux et du fil au passage et referma la porte derrière elle. De nouvelles contractions l’avertissaient qu’elle était sur le point d’expulser le placenta. Elle réussit à sourire en pensant que son corps avait attendu qu’elle soit prête à le faire. Sans même prendre le temps d’enlever son manteau, elle s’étendit sur le lit et dégagea le bébé du manchon. Elle coupa le cordon après l’avoir noué.
    Elle fit seule tout le travail de la mère et de la sage- femme. Elle expulsa le placenta, se lava après s’être enfin dévêtue, lava le bébé et le déposa dans le moïse qui l’attendait à côté de son lit. Elle se recoucha, ne souffla pas sa lampe et regarda pendant de longues heures cette petite fille à l’air déjà moqueur qui s’amusait à faire des bulles avec sa salive. Emilie soupira d’aise. Rien n’obstruait les poumons. Elle prit finalement le bébé dans ses bras et regretta de ne pouvoir l’allaiter. Pourquoi n’avait-elle jamais pu allaiter? Elle se leva et marcha jusqu’à la cuisine pour chauffer un biberon. Le bébé dans les bras, elle revint à sa chambre après être allée jeter un coup d’œil sur ses autres enfants. Dieu merci, ils respiraient tous.
    Le bébé tétait encore goulûment quand Emilie fut rejointe par ses enfants. Elle demanda à Rose de s’habiller et d’aller chercher sa grand-mère. Elle retira la tétine de la bouche du bébé pour que Rose, Marie-Ange et Émilien puissent bien le voir.
    «C’est un étalon ou une jument?» demanda Marie-Ange.
    Émilie éclata de rire avant de lui dire que c’était une fille. Marie-Ange était bien la nièce d’Edmond. Elle aurait préféré pénser qu’elle était d’abord la fille de son père, mais ceci lui apparût comme un vœu et non une réalité. Elle redonna la tétine à la nouvelle venue et rappela à Rose d’aller chercher sa grand-mère. Rose partit enfin, toute seule et toute petite dans des montagnes de neige.
    Félicité arriva moins d’une demi-heure plus tard. Elle gronda Émilie de ne pas avoir demandé d’aide. Émilie se contenta d’émettre un petit grognement. Elle ne voulait pas raconter son aventure. Elle ne la raconterait à personne. Pas même à Ovila. Cette

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