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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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d’Émilie. Vingt fois il en était revenu, sobre, refusant à la dernière minute de replonger dans l’enfer qu’il avait connu. Mais quand les ombres commencèrent à s’étirer plus tôt et qu’Émilie n’avait toujours pas ouvert la bouche ou les bras, il disparut un soir. Il rompit toutes les promesses qu’il avait faites au bon curé de La Tuque et à son frère Edmond. Il se noya littéralement l’âme dans une mer de bouteilles de genièvre.
    Émilie était à la fenêtre. Elle l’attendait depuis cinq jours. Depuis cinq jours elle était passée par un arc-en-ciel d’émotions, allant du rouge de la colère au rose du chagrin en passant par le vert de l’espoir. Elle aurait dû lui parler. Elle aurait dû lui raconter son accouchement et en rire avec lui, maintenant qu’elle était capable de le faire. Elle aurait dû l’écouter quand visiblement il s’apprêtait à lui parler. Elle s’en voulait de l’avoir repoussé. De l’avoir rejeté. Mais elle s’était dit qu’il lui fallait une bonne leçon. Que même s’ils étaient mariés depuis bientôt sept ans, il ne devait pas s’asseoir sur sa conquête. Elle voulait qu’il continue à lui faire la cour. Elle aurait voulu qu’il pense à l’amener, seule, au chalet. Ils auraient bien pu se débrouiller pour faire garder les enfants. Il n’avait rien proposé, rien dit. Elle enrageait de voir qu’il affichait un air de victime, un air de malheur alors que c’était elle la victime, la malheureuse.
    Elle l’attendait. De plus en plus impatiemment. Elle n’en pouvait plus des journées sans soleil et des nuits sans fin. Elle entendait les derniers soupirs de l’été et se désespérait à l’idée qu’Ovila repartirait bientôt et qu’ils n’avaient même pas profité du temps qu’ils avaient eu à leur disposition.
    Elle attendit pendant douze jours avant de l’apercevoir enfin, éméché et sale, titubant en direction de la maison. Elle bondit d’abord de joie puis, voyant à quel point il était ivre, elle s’empressa de verrouiller les portes. Elle lui ferait comprendre qu’elle était heureuse de le revoir mais qu’elle n’acceptait pas son état.
    Ovila essaya d’ouvrir la porte mais ne réussit pas. Il comprit qu’Émilie lui en voulait toujours. Il n’insista pas et se dirigea vers son atelier. Il se laissa choir dans un coin, se recroquevilla et pleura des larmes amères. Ce fut Rose qui vint l’éveiller en lui disant que sa mère avait préparé du bon café. Il ouvrit un œil et l’aperçut, légèrement floue.
    «Qu’est-ce que ta mère a dit?
    —        Moman a dit que vous étiez rentré de voyage, pis que vous aviez joué au «bonhomme sept heures» pis qu’elle avait barré la porte parce que vous lui faisiez trop peur pis qu’elle s’était endormie.»
    Ovila se grattait la tête pour y activer la circulation sanguine. Rose avait l’air de s’amuser franchement de l’histoire qu’Émilie lui avait racontée. Émilie n’avait jamais été à court d’imagination quand il s’agissait de couvrir quelqu’un de la famille. Conquis par le sourire de sa fille, il rit avec elle et continua même l’histoire qu’Émilie avait commencée. Il se leva péniblement et marcha en direction de la maison. Il ouvrit la porte. Émilie, Marie-Ange et Émilien se précipitèrent vers lui avec des cuillers de bois.
    «Bonhomme sept heures! Bonhomme sept heures!...» criaient-ils en chœur.
    Ovila regarda Émilie et comprit qu’elle avait fait une belle mise en scène pour saluer son retour. Il vit aussi de la joie dans ses yeux. Il se mit alors à gronder et à feindre de griffer, courant après les enfants sans jamais les attraper.
    «Je vous l’avais bien dit que le bonhomme sept heures avait dormi ici», leur cria-t-elle en riant. Blanche, réveillée par les cris, pleura pour appeler sa mère, mais c’est son père qui était venu la prendre tout doucement.
    Émilie et Ovila passèrent quelques journées à essayer de rattraper le temps perdu, mais ni l’un ni l’autre ne raconta les faits qui les avaient tant troublés. Ovila fuit l’hôtel pendant quelque temps puis il y retourna pour se convaincre qu’il était redevenu maître d’une situation qui le dépassait. Émilie s’abstint de lui faire quelque remarque que ce soit, considérant qu’il n’était jamais ivre au point de mériter sa réprobation. Ce n’est que la veille de son départ qu’Ovila rentra à la nuit naissante

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