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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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naissance serait une secret qui, pour quelques minutes encore, serait connu d’elle et sa fille, puis, la mémoire de la naissance s’effaçant rapidement, d’elle seule.
    «On dirait, madame Pronovost, qu’Ovila pis moi on réussit juste à faire des p’tites qui vous ressemblent.
    —        Tu trouves?
    —        Oui, celle-là aussi vous ressemble. »
    Félicité s’approcha de la petite tête dégarnie et l’observa longuement.
    «Ça veut dire qu’elle va ressembler à Marie-Ange.
    —        Je pense que oui, même si en vieillissant Marie- Ange a un peu de votre mari.»
    Félicité sourit à sa belle-fille et osa lui demander si elle attendrait Ovila avant de choisir le nom. Émilie lui dit qu’elle n’attendrait pas et que le nom était tout choisi.
    «Celle-là, madame Pronovost, j’vas l’appeler Blanche.
    —        Où c’est que tu as péché ce nom-là? Connais-tu une Blanche?
    —        Non, mais c’est son nom pis j’en démordrai pas.»
    Félicité regarda encore une fois le bébé maintenant endormi.
    «Sais-tu quoi, Émilie? Je trouve que ça lui va bien. As- tu choisi ça pour te rappeler de la tempête de neige?
    —        On peut rien vous cacher, madame Pronovost», répondit Emilie, un petit rire accroché aux lèvres et qu’elle était seule à entendre.
    Ovila n’était arrivé qu’à la fin de mars, au grand désespoir de ses parents. Émilie, elle, avait changé sa douce attente en rage. Elle l’accueillit froidement et lui laissa à peine le temps de regarder Blanche qu’elle était affairée à langer et à coucher. Ovila ne passa aucune remarque. Il défit sa valise, seul, ce qui était nouveau. Habituellement, Émilie le faisait. Il s’était préparé de nombreuses réponses aux questions qu’elle allait lui poser. Elle n’en posa aucune, se contentant de lui demander s’il avait rapporté assez d’argent pour qu’ils puissent manger jusqu’à l’automne. Il en fut profondément blessé.
    Émilie passa de longs mois à ignorer Ovila. Elle s’était levée un matin et avait décidé qu’il ne lui ferait plus mal. Elle l’en empêcherait. S’il ne pouvait tenir sa parole avec elle, alors il ne méritait pas son attention et son amour. Peu à peu, elle concentra davantage son attention sur ses enfants que sur son mari. Ovila avait essayé à maintes reprises de lui expliquer les raisons de son retard. Elle n’avait pas voulu entendre. Il n’avait donc pu lui dire qu’il y avait eu un accident au chantier. Qu’un traîneau rempli de billots s’était déversé sur une douzaine d’hommes, en tuant trois sur le coup. Que lui-même avait échappé à la mort, sauvé parce qu’il s’était absenté deux minutes pour uriner. Que trois minutes avant de mourir, une des victimes le taquinait encore en lui disant de faire attention de ne pas «geler son avenir». Il n’avait pas pu lui dire non plus qu’il avait accepté de rester trois semaines de plus au chantier pour finir le travail entrepris par son foreman, qui était un homme comme son père. Il n’avait pas pu lui raconter comment ils avaient dû dégager les corps coincés sous les patins de l’énorme traîneau. Il avait gardé pour lui ses cauchemars, qui ne le quittaient plus depuis que la tête d’un des hommes avait roulé jusqu’à ses pieds et qu’il s’était penché pour la ramasser.
    Depuis son retour, il ne reconnaissait plus Émilie. Il avait perdu sa femme quelque part sous des billots. Il acceptait son erreur. Il aurait dû lui écrire. Mais sachant que la lettre n’arriverait probablement pas avant lui, il ne l’avait pas fait. Maintenant, il savait que la lettre, arrivée même tardivement, aurait forcé Émilie sinon à l’entendre, au moins à le lire. Il aurait ainsi prouvé qu’il n’avait pas agi par insouciance, mais bien par compassion.
    Il tourna autour d’elle pendant tous ces mois qu’elle l’ignora. Désespéré. Elle continuait sa routine, était toujours aussi gentille devant les enfants, mais dès qu’ils avaient fermé les yeux, elle se murait dans son silence. Elle cousait, brodait, tissait, ou, si elle n’avait vraiment pas envie de travailler, jouait de son accordéon qu’elle maîtrisait maintenant parfaitement bien. Quand la soirée était vraiment belle, elle retournait dans son potager pour érocher, désherber ou fixer des tuteurs. Vingt fois Ovila était allé à l’hôtel étancher sa soif

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