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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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marquées par le maniement de lourdes billes de bois pouvaient travailler avec tant de minutie. Ovila souriait et se taisait, absorbé par ses mesures, par un coup de ciseau, par l’ajustement d’une languette de bois. Le meuble était vraiment un chef-d’œuvre et Ovila commença à penser qu’il pourrait gagner sa vie comme ébéniste.
    «Si on restait à Shawinigan, Émilie, pis que les grosses poches allaient chez Télesphore pour acheter leurs montres à chaînes pis les diamants pour leurs femmes, pis qu’ils voyaient mon meuble, j’aurais peut-être des engagements. J’haïrais pas ça faire des beaux sets de salle à manger, pis des meubles de notaires pis de docteurs.»
    Ovila, comme l’avait prévu Télesphore, modifia le plan qu’il avait dessiné. Il ne se contenta pas de vitrer le haut de la devanture, mais en vitra aussi le dessus. Émilie avait froncé les sourcils, lui disant qu’à son avis ce serait trop fragile. Ovila s’était tapoté le front et dit qu’il y avait pensé. Il y aurait trois vitres superposées. Elle avait alors ajouté qu’elle craignait que tout s’érafle. Il lui avait répondu qu’il trouvait plus simple de changer une seule vitre que de sabler et refinir un dessus en bois.
    «Avec le temps, Émilie, le bois ça change de couleur. Pis comme j’ai pas l’intention de le teindre, en mettant un top en bois qu’y faudrait sabler à tous les ans, le meuble serait toutes sortes de couleurs. Avec une vitre, Télesphore aura jamais de problèmes, sauf pour changer la troisième vitre. Mais, si tu regardes ici, j’ai creusé des lignes pour que les vitres glissent, pis ici, un genre de p’tite barrure en bois qui les tient en place. Télesphore va juste avoir à l’ouvrir pour sortir les vitres pour les changer ou les épous- setter de temps en temps. En tout cas, j’espère que dans un beau meuble de même, mon frère sera pas obligé d’avoir des montres en g un métal.»
    Ovila n’avait pas cessé d’inventer toutes sortes de petits trucs pour faciliter le travail de son frère: petites cloisons dans les tiroirs ou orifices pour insérer les bagues. Il avait même pensé à faire des trous minuscules pour les boucles d’oreilles.
    «On dirait que tu as fait des meubles de bijoutier toute ta vie, Ovila.
    —        Non, madame, mais pour faire un meuble de bijoutier, faut se mettre dans la peau d’un bijoutier! Faut penser à ce qu'il va vendre, pis faire une place. Si mon frère était docteur, j’aurais fait un autre meuble. Si mon frère vendait de la viande, ça aurait été encore différent.»
    Émilie en apprit plus sur le travail du bois qu’elle ne l’avait cru possible. Elle osa même suggérer à Ovila de couvrir des bouts de bois ronds avec du velours pour que Télesphore puisse y glisser des bracelets. Ovila l’avait regardée et l’avait embrassée en la remerciant.
    «On voit que tu es ma femme. Il y a juste un p’tit problème, Emilie, on n’a pas de velours. Pis le velours, ça coûte une fortune.»
    Émilie baissa la tête et plissa les yeux, cherchant une solution à ce problème. Le lendemain, elle alla au village, passa à la banque et courut chez le marchand général pour acheter le précieux tissu.
    «Pauvre madame, tout le velours que j’ai eu, je l’ai vendu avant Noël. Vous êtes pas dans la bonne saison pantoute. C’est le temps de la toile, du coton pis de la batiste. »
    Émilie rentra et monta à sa chambre. Elle grimpa sur une chaise et prit une boîte bien scellée, poussiéreuse, qui dormait sur la dernière tablette d’un de ses placards. Elle l’ouvrit et sortit la robe qui y était bien pliée, couleur de la Batiscan en septembre, et l’étendit sur son lit. Elle la regarda longuement, indécise, puis la replaça dans sa boîte. Elle la ressortit et commença à l’examiner de plus près.
    Ce soir-là, elle pénétra dans l’atelier armée de ciseaux, de fil, d’aiguilles, de colle, de punaises et... de sa robe de mariée. Elle posa tous les accessoires, sauf la robe, la déplia devant elle, tenant le col de sa main droite et la taille de sa main gauche.
    «Regarde, Ovila.»
    Ovila se retourna et leva les yeux. 11 mit quelques secondes avant de reconnaître la robe.
    «C’est ta robe de mariée ça, Émilie!
    —        Oui, pis si tu veux mon avis, est passée de mode pis en plus, je pourrais juste rentrer un bras pis une cuisse là-dedans.
    —        Pourquoi que tu me montres

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