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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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place.
    «Comment ça, ce que tu as acheté pour Télesphore?
    —        Viens voir! J’ai tout mis ça dans la voiture. » Il s’approcha d’elle, la tira par la manche et prit un fanal. Ils sortirent.
    «Regarde-moi ça, Emilie. Il y a pas une planche avec un nœud. Il y a pas une craque. Sont toutes de la même couleur. Pis le bois a été séché avec des pesées.»
    Emilie regarda le bois, incrédule, hochant lentement la tête.
    «C’est pas de l’érable ça. C’est du chêne!
    —        Oui, madame. Du beau chêne solide. Du chêne comme il faut pour mon frère, le bijoutier!
    —        Il voulait de l’érable, Ovila. Il peut pas payer le chêne.
    —        C’est là qu’il faut connaître mon frère. Je suis sûr qu’il peut pas payer le chêne parce qu’il veut me payer, moi. Il est pas question que mon frère me paie. Pis à part de ça, son chêne, je l’ai barguigné au prix de l’érable! Pis même moins cher.»
    Emilie s’était effondrée sur les marches de la galerie. Ovila lui raconta qu’un de ses collègues de travail lui avait dit qu’il avait abattu un chêne et qu’il l’avait porté au moulin pour le faire scier en planches qu’il avait fait sécher chez son beau-père, à Sainte-Thècle. «Émilie, tu le croiras pas, mais ça fait trois ans que ce bois-là sèche. Il y a pas une planche de pas droite. Le bois est un peu noirci, mais rien qui partira pas avec un bon sablage. Pis, ça m’a pas coûté cher, parce qu’avec les restes, il m’a demandé de faire des tablettes pour sa cuisine. Des tablettes pour mettre les pots au-dessus de son meuble à boulanger. Tu dis rien?
    —        Je sais pas quoi dire. Tu me prends vraiment de court.
    —        Je mettrais ma main au feu que tu pensais que j’étais à l’hôtel! Je t’ai eue!...Bon ben moi, je m’en vas rentrer ça dans le p’tit coin que j’ai nettoyé à matin.
    —        Non! Tu vas rentrer dans la maison. Tu vas t’asseoir dans la chambre, pis tu vas attendre.
    —        Es-tu folle?
    —        Non. Tu vas faire comme je viens de te dire.»
    Toute sa joie transpirait dans chacun de ses mots. Ovila! Oh! mon Ovila au grand cœur. Elle l’installa dans la chambre et lui demanda de se boucher les oreilles avec un oreiller.
    «Les oreilles? Pas les yeux?
    —        Les oreilles!»
    Elle alla réveiller chacun des enfants, même Clément. Ils étaient tous cireux et ne comprenaient pas ce qui se passait. Elle leur fît signe de se taire et de la suivre. Ils marchèrent doucement, n’ayant enfilé que des gros bas et portant leurs chaussures à la main. Elle les dirigea dehors et les installa devant la voiture pleine de bois, puis leur donna à chacun une chandelle qu’elle alluma. Èlle leur chuchota la suite des événements. Elle sortirait de la maison avec leur père qui aurait les yeux bandés. Ils ne devaient pas dire'un seul mot. Elle conduirait la voiture jusqu’à l’atelier et ils suivraient, toujours en se taisant. Il ne fallait pas que leur père sache qu’ils étaient levés. Elle le ferait entrer dans l’atelier.
    «Pis comme je le connais, votre père va me demander qui a fait ça. Là, j’vas vous faire un signe pis vous allez rentrer. Ça fait que votre cadeau de Pâques, ça va quasiment être comme un cadeau de réveillon. Etes-vous contents?»
    Les enfants, maintenant parfaitement éveillés, trépignaient d’impatience. Tout se déroula comme Emilie le leur avait décrit. Ils suivirent la voiture en silence, s’amusant des propos que le grincement des essieux alourdis leur permettait d’entendre. Émilie avait toutefois sous-estimé la surprise de leur père. Au signe de leur mère, ils entrèrent en criant de plaisir. Ovila fut saisi et les enfants virent dans ses yeux que deux autres chandelles s’étaient allumées et fondaient doucement sur ses joues.
    Ovila china comme un forcené pendant les quatre semaines qui suivirent. Tous les soirs, dès qu’il entrait du village, il mangeait à la hâte et se précipitait dans son atelier pour travailler au meuble de Télesphore. Émilie, dès qu’elle avait couché les enfants — Alice dans la chambre des grandes, par prudence — se couvrait d’un châle et allait voir Ovila à l’œuvre. Elle s’extasiait et s’émerveillait devant la finesse du travail qu’il effectuait. Elle lui disait qu’elle ne comprendrait jamais comment ses mains durcies et

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