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Les Filles De Caleb

Titel: Les Filles De Caleb Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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ça?
    —        Si on fait un meuble de bijoutier, on fait un meuble de bijoutier! J’ai fait comme toi sauf que moi je me suis mise dans la peau d’une acheteuse. Moi, voir de l’or ou de l’argent sur un beau velours de cette couleur-là, ça me donnerait le goût d’acheter.
    —        Es-tu folle? Tu m’as dit que tu garderais ta robe toute ta vie, ou que tu la donnerais à une de tes filles pour son mariage.
    —        La robe est démodée pis j’ai tellement de filles que je saurais pas à qui la donner.»
    Émilie refusa de discuter et commença son travail, installée sur; une chaise bancale, à côté de son mari. Elle préférait cet endroit à la cuisine. Elle pensa qu’à part les enfants, c’était la première fois, depuis la crèche de Noël construite presque vingt ans plus tôt, qu’elle et Ovila faisaient quelque chose ensemble. Grâce à sa robe, le présentoir du meuble respirait l’espoir qu’ils avaient tous les deux dans la prometteuse carrière de Télesphore, le «bébé» de la famille.
    Télesphore arriva le soir du onze mai et il courut chez son frère sans prendre la peine de déposer sa valise chez sa mère. Voyant la lumière dans l’atelier, il s’y dirigea immédiatement. La porte n’était pas fermée. Il entra. Emilie et Ovila étaient occupés à poncer le meuble à la laine d’acier avec de la vaseline. Ils étaient si affairés qu’ils ne le virent pas. Télesphore posa sa valise, lentement, les yeux rivés sur le meuble. Il était ébloui. La beauté du meuble surpassait au moins vingt fois celle du croquis qu’Ovila avait esquissé. Puis il remarqua que le meuble était en chêne. Il déglutit péniblement et tripota inconsciemment son argent dans sa poche. Il s’assit dans un coin sombre de l’atelier, s’amusant du fait que son frère et sa belle-sœur n’avaient pas encore remarqué sa présence. Emilie et Ovila terminèrent le ponçage. Puis ils frottèrent énergiquement le meuble avec de vieilles guenilles de flanelle. Ensuite, Ovila tira chacun des tiroirs, le retenant pendant qu’Emilie passait un savon sur les côtés.
    «Tu vas voir, Émilie, comme avec un peu de savon, ça va bien glisser. Quand Télesphore va ouvrir un tiroir, il y aura pas un grichement. As-tu les clés? »
    Émilie sortit deux douzaines de petites clés de sa poche, toutes identifiées, et elle les jumela aux différentes serrures du meuble. Son travail terminé, elle et Ovila, se tenant par la taille, reculèrent et regardèrent le meuble en silence. Puis, lentement, ils en firent le tour. Ovila caressait le bois tout en marchant.
    «Il y a pas une écharpe là-dedans. Pas une. C’est aussi doux que la vitre. Mais c’est plus chaud à toucher. La vitre c’est froid. Maudit! que j’ai hâte de voir la face que Télesphore va faire! Penses-tu qu’il va l’aimer?
    —        Je suis sûre, même si c’est rare qu’on voie du chêne pas teint. Le chêne, c’est toujours foncé. Tu vas rire de moi, Ovila, mais j’ai toujours pensé que le chêne c’était foncé. J’ai jamais pensé que ça pouvait être à peu près de la même couleur que le pin. Mais c’est tellement plus riche. »
    Émilie prit deux couvertures et couvrit le meuble, en disant à Ovila qu’ils auraient le plaisir de faire patienter Télesphore. «On va le faire patienter, Ovila. On va dire que tu viens juste de commencer. On va lui faire accroire que c’est pas mal difficile à faire, que ça va prendre bien du temps...
    —        Pis là, j’vas faire une face de même pis j’vas dire que ça, c’est rien que la carcasse pis que j’ai pas pu en faire plus parce que j’attends mon bois.
    —        Pis là, Télesphore va nous dire que c’est pas grave, pis il va demander de voir ce que tu as de fait!
    —        Pis là, on va enlever les couvertes. Télesphore va tomber clans les pommes!»
    Télesphore, de son coin, se demandait comment il pouvait faire pour sortir sans attirer l’attention. Il ne voulait pas les décevoir. Il ne voulait surtout pas les priver du plaisir de la surprise. Profitant du fait qu’ils lui tournaient le dos, il sortit à pas de loup, ramassant sa valise en grimaçant sa crainte de faire du bruit, et il s’éloigna de l’atelier. Il recula encore, fit un pas dans le vide pour se donner un élan et revint résolument vers le bâtiment en sifflant à tue- tête.
    Le lendemain de l’arrivée de Télesphore,

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