Les fils de Bélial
présent, s’appelle roi de Castille.
Il y eut des rumeurs de mécontentement auxquelles l’usurpateur fut sensible. Pour ne pas, sans doute, regarder ses hommes liges et ses alliés en face, il approcha le parchemin de son visage et poursuivit :
– Comme ainsi soit que vous nous avez envoyé unes lettres 269 par votre héraut, et qu’elles ont contenu plusieurs articles faisant mention que vous sauriez volontiers pourquoi nous tenons à ami votre ennemi le roi Dan Piètre notre cousin, et à quel titre nous vous faisons la guerre et sommes entrés à main armée en Castille répondant à cette, sachez…
Henri s’interrompit, nul ne broncha.
– … que c’est pour soutenir droiture et garder raison ainsi qu’il appartient à tous rois et enfants de rois, et pour entretenir grandes alliances que notre seigneur de père, le roi d’Angleterre et le roi Dan Piètre ont eues de jadis ensemble. Et parce que vous êtes aujourd’hui renommé de bonne chevalerie, nous vous accorderions volontiers à lui si nous pouvions, et ferions tant par prière envers notre cher cousin le roi Dan Piètre que vous auriez au royaume de Castille grand-part mais de la Couronne vous faut déporter et de l’héritage. Si ayez conseil et avis sur ce, et sachez encore que nous entrerons audit royaume de Castille par lequel lez (483) qu’il nous plaira le mieux. Écrit de lez le Groing, le trentième jour de mars (484) .
Guesclin avait écouté les yeux mi-clos, sans interrompre le roi. Comme nul n’exprimait sa pensée, il prit parti d’ouvrir une fois de plus sa grande goule avec, cependant, moins de fermeté que de coutume :
– Sire, dit-il à Henri, sachez que brièvement le prince et vous vous combattrez. Je connais bien le prince (485) . Il serait temps de penser à la bataille et d’ordonner vos hommes.
Le héraut écoutait. Bien perspicace eût été celui qui aurait pu concevoir ses pensées. Devinait-il l’usurpateur moins sûr de lui qu’il le laissait paraître ? Et que pensait-il de ce Breton dont la redoutable réputation n’était pas, elle, usurpée ?
– Bertrand, dit Henri, le menton haut et ferme, la puissance du prince ne saurait m’inquiéter car j’ai bien trois mille chevaux armés, je le répète, qui seront sur les deux ailes de mes batailles, et j’aurai bien six mille géniteurs, et bien vingt mille hommes d’armes, les meilleurs qu’on puisse trouver en Castille, Galice, Portugal, Cordouan et Séville, et bien soixante mille piétons avec lances et archegaies. Tous ont juré qu’ils ne failliront pas à leur besogne… J’obtiendrai le meilleur par la grâce de Dieu. J’ai le bon droit pour moi. Je n’admets point que le prince veuille que je me désiste d’une couronne que je tiens fermement sur mon chef en faveur de Pèdre. Dieu jugera, vous dis-je !
Le Breton et don Henri s’étaient avisés depuis longtemps de la présence du héraut immobile et attentif. Aucun d’eux n’eut regret de son propos. Tristan jugea exorbitante la confiance de ce roi que les gens du Midi de la France jugeaient comme un routier – ni plus ni moins. Peut-être était-ce aussi l’opinion du prince de Galles qui n’en différait guère.
– Messires, dit Henri majestueusement, je me dois de répondre au prince de Galles.
Puis, tourné vers le héraut, inquiet et rassuré à la fois – il serait sauf, puisqu’il y aurait réponse :
– Nous allons vous donner à boire et à manger dans le pavillon où je prends mes repas. Je vais aussi vous fournir quelques présents, puisque telle est la coutume 270 . Julio, emmène-le et prends soin de lui.
Il s’adressait à l’un de ces écuyers hautains comme des matadors qu’il traînait à sa suite et qu’on ne voyait apparaître qu’en fin de combat. Celui-ci, Tristan l’avait vu parmi les victimaires, sur la butte où les Felton et leurs fourrageurs avaient péri. Il devait avoir atteint la satiété : Northbury n’avait donc rien à craindre.
On fut soudainement entre soi, et comme Henri ; consultait les principaux capitaines castillans et étrangers sur la réponse qu’il seyait d’envoyer au prince, la plupart furent d’avis qu’il n’en fallait envoyer aucune, attendu qu’Édouard le Jeune ne s’était pas adressé au roi de Castille et que le roi Henri, par conséquent, n’avait pas à prendre connaissance d’une lettre adressée au comte de Trastamare. D’autres, comme Audrehem, Villaines, Neuville,
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