Les fils de Bélial
Malaquin.
C’était une nouvelle agréable à entendre.
– Naudon de Bagerant nous a quittés. Il ne serait pas surprenant qu’il soit allé offrir ses services au roi de France.
– Ça lui ressemblerait. En voilà un que j’aimerais occire !
Calveley sourit. Peut-être songeait-il : « Moi aussi. » Son sourire s’épanouit :
– Je n’ai pas achevé : Arnaud de Cervole est mort. Le savais-tu ?
– Non… Quand ?
– Il y a longtemps. L’an dernier 379 . Comme nous allions toujours par monts et par vaux, nous ne pouvions le savoir. Qu’en dis-tu ?
Tristan n’hésita pas à fournir sa réponse :
– J’en dis que je suis heureux.
– Il est mort tué par un de ses parents, entre Mâcon et Lyon, au moment où il s’apprêtait à faire passer, dans les États du comte de Savoie, les Compagnies qui vivaient en Bourgogne et qu’Amédée VI se proposait l’engager pour une croisade en Orient… Je ne connais pas le nom de son meurtrier.
– Qu’importe. Il a rendu justice. Dieu en soit loué.
Tristan sentit sur son épaule la lourde main de Calveley.
– Apprête-toi, et toi aussi, Paindorge : Bordeaux vous attend. Le prince y donnera des fêtes, des joutes, les pas d’armes. Tu en seras, Castelreng. Tu tiendras ta liberté au bout de ta lance… à condition que tu sois vainqueur !
Tristan se demanda s’il serait suffisamment habile et solide pour jouter contre les champions d’Angleterre et si, conquise de haute lutte, la liberté lui assurerait la paix de l’âme. Le goût des armes lui était quelque peu passé. Parce qu’il en avait usé et abusé. Cependant, n’ayant pas de quoi payer une rançon, il serait contraint l’entrer en lice. Incertaine, vacillante, si commune qu’elle fut aux chevaliers de toute espèce, la raison exigeait qu’il s’affranchît des contraintes de son otagerie en galopant, l’arme au poing, contre des hommes qui sans doute, à Nâjera, avaient été ses adversaires.
– Je serai vainqueur, Hugh… Oui, je serai vainqueur !
Calveley recula d’un pas pour examiner cet homme, ami et ennemi tout à la fois, dont l’affirmation avait la solidité d’un glaive.
– Dieu tranchera, dit-il. Et tu le sais, Tristan, c’est le meilleur des juges.
Annexe I
L’après-couronnement et la fuite de Pèdre
Pendant qu’Henri de Trastamare, tout couronné qu’il fut, craignait pour sa vie à Burgos si les Compagnies s’éloignaient, don Pèdre entrait à Tolède dans l’état d’esprit d’un fugitif (6 avril 1366). Bien que ses partisans eussent été renforcés par des troupes venues de Valence – en particulier des Maures du roi Mohamed de Grenade, qui lui devait son avènement -, cette cité n’était point un asile assez sûr. Après avoir exhorté les Tolédans à se défendre, il leur laissa pour gouverneur Garcie Alvarez, maître de Saint-Jacques, et 600 hommes, puis galopa vers Séville. En chemin, il éparpilla ses troupes sous le commandement de seigneurs qu’il croyait fermement attachés à sa personne, lesquels, dès qu’il fut loin, décidèrent de se soumettre au Trastamare, sans se soucier de s’humilier devant un prince qu’ils avaient raillé et persécuté. Inigo de Orozco, chargé de défendre Guadalajara, courut en porter les clés à Burgos. Don Diego de Padilla, le frère de celle que don Pèdre avait déclaré reine, s’en alla baiser la main de l’homme qui déshéritait d’un trône les filles de sa sœur. Garcie Alvarez fit mine de vouloir résister jusqu’à ce que l’ennemi lui proposât d’acheter Tolède. Il devait à don Pèdre d’avoir été fait maître de Saint-Jacques. Il obtint, pour sa lâcheté doublée d’une trahison, les domaines de Valdecomeja et d’Oropesa (à l’ouest de Talavera de la Reina) et quelques gros sacs de maravédis. Alors, rassuré, don Enrique entra dans la cité, acclamé par un peuple aiguillonné par la noblesse et le clergé. Il y resta quinze jours, recevant les hommages des représentants de Cuenca, Avila, Madrid, Talavera, etc. et frappant la juiverie d’une amende extraordinaire pour son attachement à la cause de Pèdre, ce qui, pour une partie de la « petite juiverie », restait à prouver.
Parvenant à Séville, le roi déchu ne s’y sentit pas en sécurité. Suivant les conseils du maître d’Alcantara, Martin Lôpez, de son chancelier, Mateo Fernandez, de son trésorier, Martin Yanez, – et peut-être
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