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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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égard, ne cesserait jamais de hanter cet homme. Il le vit sourciller et se tourner vers lui, les yeux embués d’une sorte de chagrin dû au fait que pour une fois, il n’avait pas la partie belle et que Dieu ne l’inspirait point.
    –  Quant à Briviesca, Castelreng, je vais te citer quelque chose…
    « Il ne me voussoie plus, c’est donc qu’il me méprise. »
    –  Quand ils se furent emparés de Jéricho, les Juifs le livrèrent à l’anathème…
    « Encore de l’histoire ancienne ! »
    –  Tout ce qui se trouvait dans la ville : hommes, femmes, enfants, vieillards, bœufs, brebis, ânes subirent le tranchant de l’épée. Les enfants d’Israël arsèrent la cité et tout ce qui s’y trouvait, sauf, évidemment, ses richesses… Ils ont fait cela. C’est Josué qui le dit… Alors, Briviesca…
    « Vous êtes un monstre ! » faillit s’écrier Tristan cependant que le prêtre poursuivait dans la joie, la verve, la conviction à coup sûr pathétique que la victoire sur ce délinquant de Dieu, Castelreng, lui était désormais assurée :
    –  Ils ont voué, te dis-je, leurs ennemis à l’anathème. C’est-à-dire qu’ils les ont immolés sans désemparer en l’honneur de Yahweh. Les Hétéens, les Cananéens, les Hervéens et d’autres, des milliers d’autres… C’est une race de barbares et ce sont ceux de Castille, les zélators de Pèdre, de Pèdrezil le Juif, les pires qui existent en ce monde !
    Lui aussi ! Décidément, une espèce de folie contaminait tous les membres des Compagnies puisque cet homme touché depuis belle heurette par la grâce divine, sombrait dans une espèce de derverie 63 meurtrière. Tristan, qui l’observait avec une attention passionnée, se demanda si Simon de Montfort lui avait ressemblé jadis ; s’il avait eu sur son visage de faux saint cette expression violente et despotique. On le disait pieux. Cela ne l’avait pas empêché de commettre, lui-même ou par capitaines interposés, des milliers de crimes contre les Albigeois. Au nom du Dieu de bonté !
    –  À quoi penses-tu ? demanda, inquiet, le père Béranger.
    –  À l’entrée de Godefroi de Bouillon à Jérusalem… Un bouillon de sang, selon ce que m’a dit, jadis, mon chapelain… Et je me dis, moi, que vous voyez la paille qui est dans l’œil du prochain sans voir la poutre qui doit boucher le vôtre. « C’étaient des Maures  », direz-vous. Et je vous répondrai : « C’étaient des hommes, des femmes, des enfants, des bêtes dont la vie était sacrée. » Voilà !
    Ce fut, pour Tristan, une fin satisfaisante.
    –  Amen, dit le prêtre en le bénissant.
    Il tourna les talons et partit en hâte dans un furieux tintement d’éperons.
    Le silence qui suivit ce torrent de paroles fut pour Tristan un moment de volupté intense. Il vit un lézard s’immobiliser sur la crête ensoleillée d’un muret et l’envia de pouvoir profiter du soleil dont les feux ne cessaient de croître.
    –  Quel homme ignoble, soupira-t-il, que ce porteur de froc !
    Et de soupirer encore.
    Il vit alors un jouvencel s’approcher. Il était vêtu simplement : flotternel de tiretaine grise, haut-de-chausses d’un vert que le soleil avait comme blanchi, heuses de cuir noir sans éperons. Il était tête nue pour faire admirer, sans doute, les cheveux bruns qu’il portait longs.
    « Antoine de Beaujeu (410) .Que me veut-il ? »
    –  Vous y êtes allé très fort !
    Était-ce un reproche ? Il ne le semblait pas.
    –  Insuffisamment, messire, à mon gré.
    –  Je sais, je sais.
    En dépit de la courtoisie du ton, la réprobation semblait flagrante. Tristan se sentit jugé, peut-être condamné. Il refusa toute passe d’armes :
    –  J’ignore, messire, ce que vous pensez de ce que nous faisons en Espagne.
    –  Je m’efforce de l’oublier. Faites-en autant.
    Beaujeu cherchait peut-être le fer. Il devait avoir vingt ans. Il dévisageait le récalcitrant de ses yeux bleus, mobiles sous l’arc net et brun des sourcils.
    –  Le père Béranger va vous anathématiser.
    –  De sa part, ce serait réjouissant.
    –  Il est fort accointé à Bertrand.
    –  Il le serait au diable que je n’en serais point ébahi.
    –  Vous voilà menacé par le Breton et par un prêtre… et par d’autres aussi.
    –  Mon beau-père, Ogier d’Argouges, qui avait souffert de la méchanceté des hommes, m’avait fait part, un jour, d’une formule qu’il avait

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