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Les fils de Bélial

Les fils de Bélial

Titel: Les fils de Bélial Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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ils appréciaient cette aspersion froide, inattendue, sous le tamis des feuilles. Inertie. Il eût fallu dormir, sortir de soi-même, oublier. Rien à faire. Une lassitude de l’âme le gagnait. Castelreng et Gratot lui semblaient aussi éloignés que cette lune continuellement enneigée qu’il observait la nuit quand il prenait un tour de guet dont il se serait abstenu si son ogdoade n’avait point été réduite à cinq hommes y compris lui. La paix, voilà ce dont il avait besoin. Et l’amour. L’amour de Luciane. L’amour d’une autre, même, provisoire et chaleureux tant il se sentait amputé de ce qui avait composé les délices d’une vie plus que rigoureuse. Saveur chaude des baisers, accolade des chairs qui se cherchent, se frôlent et se trouvent. Frissons… Personne à qui se confier. Pas même Paindorge : il révérait trop Luciane.

V
     
     
     
    Il pleuvait encore le lendemain lorsque les Compagnies s’approchèrent de Séville comme pour l’étouffer dans leur immense anneau de fer hérissé de tout ce qui tranchait et perçait. Des échelles avaient été préparées. Des centuries avaient été laissées en réserve afin de rafraîchir les rangs des assaillants dès qu’ils se clairsemeraient. On serait, disait-on, douze mille à l’ouvrage. Le roi Henri, si la cité refusait de lui ouvrir ses portes, combattrait les Mahomets et les cristianos séditieux. Le comte de la Marche, Audrehem, le sire de Beaujeu et Hugues de Châlon – le Vert Chevalier – devaient eux aussi, attaquer les Chrétiens. Les Anglais s’occuperaient des quartiers juifs, soutenus ou plutôt surveillés par Guesclin et ses Bretons.
    On voyait, sur les murailles, des femmes et des enfants se mouvoir devant des fumées : ils entretenaient les feux d’eau ou d’huile bouillante allumés au cours de la nuit.
    –  Ils ne nous ont rien fait, confia Yvain Lemosquet à Paindorge.
    –  Comment, rien fait  ? s’indigna Couzic revêtu d’une armure quasiment neuve. Ils sont pour le roi Pèdre, or donc : nos ennemis !
    On allait assaillir les murailles sans recourir aux sommations d’usage quand dix cavaliers apparurent. Ils allaient vitement. Le premier levait un bras.
    –  Ce sont des hommes de Jerez qui nous apportent cet arbalétrier immonde ! s’écria Jean de Bourbon, une main à plat sous le bord relevé de son viaire.
    –  Non, messire, dit Bagerant, plus onctueux qu’une jatte d’axonge. C’est Matthieu de Gournay. Il s’en était allé fourrager je ne sais où. Ils sont partis à huit ; ils sont dix maintenant. Je ne sais ce qu’il nous crie si fort.
    Le cheval de l’Anglais se mit à galoper. Gournay hurlait toujours.
    –  Il nous dit d’attendre, traduisit Calveley.
    Le géant roux semblait peu enclin à entamer une nouvelle tuerie contre une cité qui s’était sûrement précautionnée en vue d’un envahissement dont chaque noble, chaque manant, chaque femme et chaque enfant avait eu le temps d’imaginer les horreurs. Guesclin s’inquiétait : allait-on renoncer à entrer dans Séville l’épée en main ?
    C’était bien Matthieu de Gournay : trois léopards d’or remuaient sur son pourpoint vermeil. C’était un homme jeune, moustachu, brun comme ces Andalous qu’on s’apprêtait à combattre. Son coursier écumait tant il l’avait forcé.
    –  Attendez, monseigneur, dit-il au roi Henri. Les deux otages que j’amène nous assurent qu’ils nous livreront la cité sans que nous ayons à combattre 96 .
    –  Qui sont-ils ? demanda hargneusement Guesclin.
    Il pressentait qu’il allait être privé de son régal essentiel. Il avait pourtant tout décidé : l’armée irait à pied tout entière. Les chevaux, pour une fois, n’offriraient pas leur poitrail et leurs flancs aux sagettes ennemies. On attaquerait de partout et sitôt en ville, on balancerait les corps dans le Guadalquivir.
    –  Ce sont deux Juifs : Daniel et Turquant.
    –  Ah ! Ah ! ricana Guesclin. Les conseillers de Pèdre… Les meurtriers de la reine Blanche.
    –  Nous ne sommes pour rien dans cette occision !
    Daniel approuva son ami de la tête.
    –  Pour rien ? éructa le Breton. J’ai les moyens d’obtenir vos aveux !… Malar doué ! Vous parlerez, moi je vous le dis !… Dieu exauce mes souhaits. Baille-moi ces coquins, compère.
    –  Holà ! s’indigna Gournay. Ces hommes sont mes otages. N’essayez pas, Bertrand, de me les soutirer. Entre eux et moi et vous, il y a

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