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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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dans les jupes de la sénéchale. Mais le dauphin, soudain magnétisé, s’accroupit et lui tendit les bras.
    — Tu viens me voir ? demanda-t-il à l’enfant. Vieni, bambina 6  !
    — Elle est un peu farouche, dit Diane, de l’air que prendrait une mère pour excuser sa propre enfant.
    — Ne trouvez-vous pas qu’elle me ressemble ?
    — Elle est très belle, approuva la grande amie.
    Catherine souffrait. Cette apparition physique de l’enfant de son mari la torturait cruellement ; elle était pâle, avec des sueurs froides. Pour la première fois, peut-être, elle se sentait gagnée par la haine – une haine qui ne visait pas l’enfant, naturellement, ni son père qu’elle ne détesterait jamais, mais bien Diane de Poitiers. Diane qui, l’air de rien, semblait vouloir donner le sentiment que la fille d’Henri était un peu la sienne.
    — Et comment s’appelle-t-elle ?
    Henri et sa maîtresse échangèrent un regard gêné. Ils s’abstinrent de répondre, et la grande sénéchale feignit d’être accaparée soudain par l’enfant.
    — Sii gentile 7  !
    Catherine sentit la dérobade. Or, si elle pouvait se montrer complaisante, elle ne renonçait jamais à rien.
    — Cette enfant n’a donc pas de nom ? insista-t-elle.
    — Elle va s’appeler Diane, bredouilla Henri. Et si le roi veut bien : Diane de France.
    Catherine serra les mâchoires.
    — Diane, c’est joli, convint-elle aussitôt qu’elle put de nouveau parler.

    Jacqueline de Longvic, duchesse de Montpensier, était toujours là pour recueillir les douloureuses confidences de la dauphine, si souvent outragée dans son honneur d’épouse ou – simplement – de femme. Offrir son épaule, essuyer des larmes : ces gestes lui étaient devenus familiers, hélas... Avec patience et discrétion, elle consolait sa royale amie, tentait d’excuser à ses yeux les impairs d’un mari jeune et mal conseillé, s’attachait, autant qu’elle le pouvait, à entretenir la confiance de Catherine en elle-même, et sa foi dans la vie.
    Lors de ce séjour au vieux manoir d’Anet, la chambre de la duchesse de Montpensier se trouvait au-dessus de celle de la grande sénéchale. Ce n’était qu’une contingence ; cela devint une circonstance. Car – ainsi qu’il arrivait souvent dans ces demeures campagnardes 19 – les étages n’étaient séparés que par un plancher, certes robuste, mais perméable aux sons... Or, dès le premier soir, la confidente de la dauphine en avait perçu d’éloquents, provenant de la chambre du dessous ! Une curiosité bien pardonnable l’avait dès lors amenée à déceler quelques défauts dans les vieilles planches et, aux surprises de l’ouïe, à joindre bientôt les plaisirs de la vue...
    Aussi lorsque, une fois de plus, Catherine se plaignit de la froideur d’Henri et des soins exclusifs qu’il réservait à Diane, Jacqueline se hasarda-t-elle à faire à son amie la plus malhonnête des propositions.
    — Il faut croire, hasarda-t-elle, que Mme de Poitiers procure à votre mari des plaisirs dont vous ne soupçonnez même pas l’existence...
    — Comment les découvrir ? gémit la dauphine.
    — Eh bien... J’en aurai peut-être le moyen.
    C’est ainsi qu’après bien des hésitations, et des accès de scrupules entrecoupés d’impatiences presque enfantines, Catherine de Médicis passa la soirée dans la chambre de Jacqueline de Longvic, allongée sur le sol et l’œil collé au plancher !
    — Vous allez prendre un orgelet, ironisait doucement la confidente.
    — Taisez-vous, taisez-vous : les voilà qui entrent !
    Catherine avait éprouvé – au-delà d’un sentiment de culpabilité assez vite dissipé – une certaine anxiété à l’idée d’épier son époux adoré dans les bras de sa maîtresse. Et quand elle les vit, persuadés d’être seuls, se couvrir le cou et le visage de baisers, son cœur se serra au point de lui faire craindre un malaise. Les amants disparurent sous le baldaquin, et demeurèrent tout un moment cachés aux regards de l’intruse. Mais soudain, comme mus par une force qui les dépassait, ils surgirent hors du lit, haletants, extatiques, et se roulèrent sur l’épais tapis de haute fourrure. Ils riaient à moitié, et cependant paraissaient graves.
    Le spectacle que, loin de s’en douter, ils offraient à Catherine, par sa nouveauté, par sa grâce aussi, devait la troubler durablement.
    — Oh ! dit-elle, c’est incroyable !
    — Alors, que

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