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Les Fils de France

Les Fils de France

Titel: Les Fils de France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Franck Ferrand
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s’arrêta, comme frappé par la foudre. Simon ne s’était pas attendu à tomber si tôt sur son frère. Il le dévisageait, tout interdit, comme un gibier surpris par le chasseur.
    — Je croyais, dit Gautier d’un ton qu’il aurait voulu glacial, ne jamais te revoir.
    Simon demeura coi ; l’autre poursuivit.
    — Eh bien, tu ne m’embrasses pas ?
    Sidéré, comme sonné, Simon commença par rire en silence. Puis il se précipita vers son frère et, le désarçonnant, le fit descendre de cheval pour le serrer longtemps dans ses bras.
    — Quel bon vent ? demanda Gautier.
    — Plutôt mauvais, répondit Simon.
    Et tout en montant vers la forteresse, il lui raconta les dangers que, partout en France, les réformés couraient du fait d’une vague sans précédent de « chasse aux hérétiques ». Partout se montaient des procès, partout s’allumaient des bûchers...
    — Tu dois rester ici, lui conseilla Simon. C’est ce que je suis venu te dire : ne sors pas de la Navarre ; reste dans ce royaume enchanté ! En France, tu courrais de trop grands dangers.
    Gautier l’avait écouté en silence.
    — Je sais tout cela, dit-il. Madame Marguerite est mieux informée sur ces matières que, toi ou moi, ne le serons jamais !
    — Certes...
    — Cependant, tu voulais me le dire...
    — Oui.
    Simon s’arrêta, juste à l’entrée du château.
    — Gautier, avoua-t-il, il fallait que je te revoie.

Château d’Amboise.
    L a Cour s’était réunie à Amboise pour le nouvel an 23 , ce qui n’avait pas été sans frictions. Les griefs et les rancœurs accumulés dans la dernière campagne avaient en effet dégradé les relations entre les deux partis ; et des amis du dauphin – donc partisans de Diane de Poitiers – qui, un an plus tôt, auraient pu s’entendre encore avec le cercle de la favorite, s’en déclaraient à présent les adversaires farouches. De son côté, Anne de Pisseleu ne faisait rien pour arrondir les angles. N’avait-elle pas été, pour les étrennes, jusqu’à commander à Marot des vers plus acerbes encore que de coutume ? S’adressant d’abord à la duchesse, son petit poème commençait gentiment.
    Sans préjudice à personne
    Je vous donne
    La pomme d’or de beauté,
    Et de ferme loyauté
    La couronne...
    Mais plus loin, le rimeur décochait contre « la Vieille » un trait d’une malveillance inouïe.
    Que voulez-vous, Diane bonne,
    Que vous donne ?
    Vous n’eûtes, comme j’entends,
    Jamais tant d’heur au printemps
    Qu’en automne.
    Ces insultes scandées, jointes à toutes sortes de rumeurs colportées de part et d’autre, rendirent irrespirable l’air si doux, par ailleurs, du Val de Loire. Chaque jour qui passait semblait rapprocher les camps hostiles d’une confrontation inévitable ; et les déplacements des deux dames dans le château et les jardins se mirent à obéir de plus en plus à un jeu irritant d’esquive et d’évitement.

    Un samedi vers midi, la rencontre tant redoutée finit par se produire au cœur du beau jardin dominant le fleuve. L’escouade de la duchesse, au détour d’un bosquet de grands ifs, tomba sur la brigade de la sénéchale... On sentit se hérisser les deux groupes, et certains gentilshommes, par réflexe, touchèrent même la garde de leur épée. Mais le sang-froid de Mme de Poitiers, la diplomatie de Mme d’Étampes, la nécessité aussi où se trouvaient l’une et l’autre de sauver la face devant leurs affidés, écartèrent tout affrontement direct. C’est la plus jeune qui affecta de plier la première.
    — Il fallait que je vous voie, lança-t-elle, tout sourire, à son ennemie.
    — Le moment me paraît aussi choisi que l’endroit.
    — Belle journée, n’est-ce pas ? L’hiver en ce pays est comme un été sans chaleurs.
    — Je reconnais ici votre goût pour la poésie...
    Ces dames se mesuraient encore, à la manière de jouteurs qui, lors des premières passes, se seraient contentés de jauger la force adverse. À la surprise générale, elles plantèrent là leurs escortes et, marchant de concert comme auraient pu le faire de vieilles amies, s’éloignèrent ensemble vers la terrasse, d’où la vue est si belle.
    — On veut nous opposer, dit Anne de Pisseleu sans détour, quand nous gagnerions tant à nous entendre !
    — Le roi, je crois, ne demanderait pas mieux, approuva Diane de Poitiers. Il me le disait hier encore.
    Cette évocation des relations privilégiées entre le monarque et

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