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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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inquiétude pour Henry, il ne pouvait s’empêcher de l’observer avec fascination. Elle avait noué sa scandaleuse chevelure en arrière et enveloppé sa tête dans un linge à la manière d’une esclave noire. Son visage ainsi dénudé faisait ressortir ses os délicats et son regard intense, ses yeux jaunes se posant ici et là comme ceux d’un faucon à l’affût. Il n’avait jamais vu une femme aussi peu féminine. On aurait dit un général rassemblant ses troupes. Le nœud de serpents dans son ventre se relâcha légèrement.
    Elle sait ce qu’elle fait, se dit-il.
    Elle se tourna soudain vers lui et il redressa aussitôt le dos, attendant instinctivement les ordres, se stupéfiant lui-même.
    — Vous voulez rester ? demanda-t-elle.
    — Oui, bien sûr.
    Elle lui avait annoncé sans ambages son pronostic. Il n’était pas optimiste mais Henry avait une chance de s’en sortir. Ilétait d’autant plus résolu à rester, quoi qu’il arrive. Si Henry mourait, il aurait au moins une personne qui l’aimait à son chevet. De toute manière, il avait décidé que son neveu ne mourrait pas. Il ne le lui permettrait pas.
    — Dans ce cas, asseyez-vous ici.
    Elle lui indiqua un tabouret de l’autre côté du lit. Il s’y assit en adressant à Henry un sourire rassurant. Son neveu avait l’air terrifié mais résolu.
    « Je ne peux plus vivre ainsi, lui avait-il dit la veille en acceptant enfin d’être opéré. Je n’en peux plus. »
    Mme Woodcock avait insisté pour être présente elle aussi. Après l’avoir longuement sermonnée, Mme Fraser avait déclaré qu’elle administrerait l’éther. Cette mystérieuse substance se trouvait dans un flacon équipé d’un compte-gouttes posé sur le bureau. Il s’en dégageait une vague odeur écœurante.
    Mme Fraser tendit au docteur Hunter un linge qui ressemblait à un mouchoir puis en appliqua un autre sur son visage. C’était bel et bien un mouchoir mais sur les bords duquel des lacets avaient été cousus. Elle noua ces derniers derrière sa tête de sorte que le tissu couvre sa bouche et son nez. Hunter l’imita docilement.
    Comparés aux procédures expéditives des chirurgiens militaires, les préparatifs de Mme Fraser paraissaient extrêmement laborieux. Elle badigeonna plusieurs fois le ventre de Henry avec une solution alcoolique qu’elle avait concoctée, lui parlant d’une voix douce et apaisante à travers son masque de bandit des grands chemins. Elle se rinça les mains, demandant à Hunter et à Mme Woodcock d’en faire autant ; puis elle lava ses instruments. La pièce empestait comme une mauvaise distillerie.
    En réalité, ses mouvements étaient relativement secs mais ses mains se déplaçaient avec une incroyable assurance et… oui, de la grâce, il ne trouvait pas d’autre mot. Elles donnaient l’illusion de planer tel un couple de mouettes dans les airs. Ce n’était pas des battements d’ailes frénétiques mais un mouvement fluide, serein, quasi mystique. Rien qu’à les observer, il sentit un étrange calme l’envahir, entrant dans une sorte detranse qui lui fit presque oublier l’objectif ultime de ce ballet de mains silencieux.
    Elle s’approcha de la tête du lit et se pencha pour parler à Henry, lui écartant les cheveux sur le front. Grey vit les yeux de faucon s’adoucir momentanément en une coulée d’or. Le corps de Henry se détendit et ses poings serrés se relâchèrent. Elle sortit alors un nouveau masque, celui-ci ressemblant à une cage en brins d’osier contenant des couches de tissu ouaté. Elle l’installa délicatement sur le visage de Henry tout en lui disant quelque chose d’inaudible. Puis elle saisit son flacon d’éther.
    Une forte odeur piquante se répandit aussitôt dans la pièce, s’accrochant au fond de la gorge de Grey et lui faisant légèrement tourner la tête. Il papillota des paupières, s’ébroua puis se rendit compte que Mme Fraser était en train de lui parler. Il releva les yeux vers elle, un grand oiseau blanc avec des yeux jaunes et une serre étincelante qui venait soudain d’apparaître dans sa main.
    — Je vous demande pardon ?
    Elle répéta calmement :
    — J’ai dit que vous devriez peut-être reculer votre tabouret. Il risque d’y avoir des éclaboussures.
     
    William, Rachel et Dorothea étaient assis sur le bord du porche comme trois oiseaux sur une clôture. Rollo était étendu sur l’allée en brique à leurs pieds, savourant le soleil

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