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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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avait rappelé à lui le souvenir de la jeune fille sans nom.
    Elle était morte en France. Il n’avait pas pensé à elle depuis des années mais, tout à coup, elle était de retour. Elle avait hanté son esprit quand il avait embrassé Claire à Leoch et il avait eu le sentiment que son mariage serait une sorte de réparation. Il avait lentement appris à se pardonner pour cette faute qui n’avait pas été la sienne et il espérait que son amour pour Claire avait offert à cette malheureuse inconnue un peu de paix.
    Il avait eu l’étrange impression de devoir une vie à Dieu et d’avoir payé cette dette en prenant Claire pour épouse (même si Dieu savait qu’il l’aurait épousée de toute manière). Il lui avait promis : La protection de mon nom, de mon clan et de mon corps .
    « La protection de mon corps », il y avait là une ironie qui le fit frémir et il entrevit un autre visage parmi les ombres. Etroit, moqueur, avec des yeux gris clair… si jeune.
    Geneva . Une autre femme que son désir avait menée à la mort. Ce n’était pas vraiment de sa faute ; il avait lutté contre cette idée au cours des longues nuits qui avaient suivi son décès, seul dans son lit froid au-dessus des écuries, puisant un maigre réconfort dans la présence muette mais solide des chevaux remuant et mâchonnant dans les box. Cependant, s’il n’avait pas partagé sa couche, elle ne serait pas morte. C’était là un fait inéluctable.
    Devait-il une autre vie à Dieu ? Il avait pensé que ce serait Willie, cette vie qu’on lui avait donnée à protéger en échange de celle de Geneva. Mais il avait dû confier cette mission à un autre.
    A présent, il avait sa sœur. Il avait juré à Ian de veiller sur elle. Aussi longtemps que je vivrai . Or, il serait là encore un certain temps. Selon ses calculs, il n’avait usé que cinq des vies qu’une diseuse de bonne aventure lui avait promises à Paris.
    Tu mourras neuf fois avant de reposer dans ta tombe , avait-elle dit. Fallait-il autant de coups d’essai pour mourir correctement ?
     
    Je retroussai ma manche, dénudant mon poignet, puis plaçai la pointe du couteau au milieu de mon avant-bras. J’avais vu de nombreux suicides ratés, ceux qui s’étaient tranché le poignet perpendiculairement, laissant une plaie fine dont les lèvres hurlaient au secours. Et j’avais vu les réussis, ceux qui avaient été réellement déterminés. Il fallait pour cela entailler les veines dans la longueur, avec une incision profonde et sûre qui me viderait de mon sang en quelques minutes et provoquerait l’inconscience en quelques secondes.
    La cicatrice était encore visible dans le gras de mon pouce. Le petit « J » qu’il m’avait laissé à la veille de Culloden, la première fois que nous avions été confrontés à l’horrible réalité de la mort et de la séparation.
    Je suivis le tracé de la lettre avec le bout du couteau et sentis le chuintement séducteur de la lame sur ma peau. J’avais alors voulu mourir avec lui mais il m’avait poussée sur le chemin de la vie d’une main ferme. Je portais son enfant ; je ne pouvais pas mourir.
    Je ne la portais plus à présent… mais elle était toujours là. Peut-être accessible. Je restai immobile un long moment, puis soupirai et reposai le couteau sur la table.
    Peut-être était-ce l’habitude acquise au fil des ans, une tournure d’esprit qui tenait la vie pour sacrée ou une peur superstitieuse d’éteindre une flamme allumée par une autre main que la mienne. Peut-être était-ce par obligation. Il y avait ceux qui avaient besoin de moi… ou du moins ceux auprès de qui je pouvais me rendre utile. Peut-être était-ce l’entêtement du corps, avec son inexorable insistance sur un processus sans fin.
    Je pouvais ralentir la circulation de mon sang jusqu’à ce que les battements de mon cœur résonnent lentement dans mes oreilles tels des roulements de tambours lointains.
    Il y avait des chemins dans le noir. Je savais, car j’avais vu des gens mourir. En dépit du délabrement physique, on ne pouvait mourir tant que le bon chemin n’avait pas été trouvé.
    Je ne pouvais pas – pas encore – trouver le mien.

54
    Nuit d’ivresse
    Le nouveau coffret de médecine était posé sur la table de ma chambre, luisant à la lueur des bougies. Près de lui étaient étalés des sachets de gaze remplis d’herbes que j’avais achetés dans la matinée et les flacons de teintures que

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