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Les fils de la liberté

Les fils de la liberté

Titel: Les fils de la liberté Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Diana Gabaldon
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eut un long silence au cours duquel s’accrut encore la conscience du corps de l’autre. Puis je demandai :
    — Et pas vous ?
    Il resta parfaitement immobile, les yeux fermés, et répondit sans les rouvrir :
    — Rien n’est plus aveugle qu’une verge au garde-à-vous, ma chère. En tant que médecin, vous ne pouvez l’ignorer.
    — En effet.
    Je le pris délicatement mais fermement dans ma main et, dans un silence chargé de tendresse, commençai à le caresser, évitant soigneusement de penser à l’image qu’il avait en tête.
     
    Colenso Baragwanath courut comme s’il avait le feu aux fesses. Il fit irruption dans la taverne Fox au début de State Street, traversa le restaurant à fond de train et déboula dans la petite salle de jeu à l’arrière.
    — Ils l’ont trouvé ! Le vieux avec sa hache.
    Le capitaine lord Ellesmere se levait déjà. Aux yeux de Colenso, c’était un géant à l’allure terrifiante. L’endroit où le médecin l’avait recousu était hérissé de nouveaux cheveux mais les sutures noires étaient toujours visibles. Ses yeux semblaient cracher des flammes et Colenso avait peur de le regarder trop fixement. Il était encore essoufflé et était trop impressionné pour trouver autre chose à dire.
    — Où ? demanda le capitaine.
    Il avait parlé calmement mais Colenso recula vers la porte, un doigt pointé vers la rue. Le capitaine saisit les deux pistolets qu’il avait posés sur une table, les glissa sous sa ceinture.
    — Montre-moi le chemin.
     
    Rachel était assise sur le haut tabouret derrière le comptoir de l’imprimerie, la main sur le front. Elle s’était réveillée avec la sensation d’avoir le crâne pris dans un étau, sans doute à cause de l’orage. Au fil de la journée, la douleur avait pris la forme d’une vraie migraine. Elle aurait préféré rentrer à la maison de l’Ami John pour voir si Claire avait une tisane pouvant la soulager mais elle avait promis à Marsali de surveiller l’atelier pendant qu’elle emmenait les enfants chez le cordonnier faire réparer leurs chaussures et acheter une nouvelle paire de bottes à Henri-Christian. Ses pieds étaient trop courts et larges pour les anciennes chaussures de ses sœurs.
    Au moins, l’imprimerie était calme. Deux personnes seulement étaient entrées et seule une d’entre elles lui avait adressé la parole, pour lui demander le chemin de Slip Alley. Elle massa sa nuque raide et ferma les yeux. Marsali ne tarderait plus. Elle pourrait ensuite aller s’allonger avec un linge humide sur le visage et…
    La sonnette au-dessus de la porte tinta et elle se redressa, un sourire machinal aux lèvres. Quand elle vit le visiteur, il s’effaça aussitôt.
    — Sors !
    Elle descendit de son tabouret en évaluant la distance jusqu’à la porte du logement.
    — Sors tout de suite !
    Si elle parvenait à s’enfuir par la cour…
    — Ne bouge pas, ordonna Arch Bug.
    Sa voix grinçait comme du métal rouillé.
    — Je sais ce que tu veux, répondit-elle en reculant d’un pas. Je comprends ton chagrin, ta colère, mais ce que tu comptes faire est mal, le Seigneur ne veut…
    Il la dévisagea avec une étrange douceur.
    — Tais-toi donc, ma fille. Nous allons rester tranquillement ici et l’attendre.
    — L’attendre ?
    — Oui, lui.
    Il bondit soudain et lui agrippa le bras. Elle hurla et se débattit mais ne parvint pas à lui faire lâcher prise. Il souleva le rabat et la traîna de l’autre côté, la projetant contre une table en faisant tomber des piles de livres.
    — Tu ne peux pas espérer… commença-t-elle.
    — Je n’espère rien. Je n’en ai pas besoin.
    La hache était glissée sous sa ceinture, nue et étincelante.
    Elle n’essaya même pas d’empêcher sa voix de trembler.
    — Tu mourras. Les soldats te tueront.
    — Oui, sans doute. Et je retrouverai ma femme, dit-il, les traits radoucis..
    — Je ne peux pas te conseiller le suicide mais si tu cherches à mourir, pourquoi tiens-tu à… souiller ta mort, ton âme, avec la violence ?
    — Tu crois que la vengeance est une souillure ? C’est une gloire, ma fille. Ma gloire et mon devoir envers ma femme.
    Elle s’écarta légèrement de lui.
    — Ce n’est pas la mienne. Je ne t’ai rien fait et je n’ai rien fait aux tiens !
    Il ne l’entendit pas. Il avait tourné la tête et tendait l’oreille, sa main sur le manche de sa hache. Il sourit soudain. On entendait un bruit de pas de course.
    — Ian !

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