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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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autrefois. Elle avait de beaux bras, d’un grain ferme, des épaules douces ; elle protesta :
    — Ne me dénude pas… Cette nuit si tu veux… Je ne suis pas l’autre, moi : quand tu seras entré… dans ma chambre, je pousserai le verrou !
    Elle rit, le courrouçant et ne le voyant pas. Guillemette… La suavité dans la soumission ; l’avidité dans la tendresse. Transie pendant cinq ans à l’ombre des murailles et comme retranchée derrière un pucelage âprement défendu, elle n’avait eu qu’un seul recours pour apaiser une soif de volupté plus oppressante, dans l’ignorance et la chasteté, que celle de la plupart de ses compagnons et compagnes : penser à lui, Ogier ; circonscrire d’enluminures un acte et des plaisances qu’elle enjolivait moins à mesure qu’elle s’en repaissait. Mais à quoi bon évoquer Guillemette ! Il empoignait Bertine, fermée, elle, aux songeries délectables, mais ouverte aux agréments roides et consistants. Et tellement brasillante qu’elle flambait déjà sans qu’il l’eût pourtant tisonnée bien fort, puis se consumait dans un grognement mou et profond – à son image – tandis qu’il achevait son galop.
    — On recommencera, dis ? fit-elle quand, après un soupir morose, il se laissa glisser sur le flanc.
    Elle clignait de l’œil, frottant de ses mains potelées ce ventre pâle où le contentement tiédissait. Plutôt que d’acquiescer, il la prévint :
    — Garde-toi de mécontenter Guillemette. Tu me voulais, tu m’as eu. Si mon père ou ma sœur… ou quelqu’un d’autre sait, tu t’en repentiras !
    Elle pouffa ; son regard pétilla de malice :
    — Me repentir de quoi ? Et de quelle façon ? Et qui donc est ce quelqu’un d’autre  ? Adelis ?… Qui que ce soit, d’ailleurs, je saurai me défendre… Tiens : je peux crier d’ici que tu t’es remué à peine mieux que ton père !
    — Il t’a…
    Le garçon suffoquait : Lui et elle ! S’il s’était agi d’une autre servante – Isaure, Jeannette, voire Guillemette –, il en eût été moins affecté. Mais Bertine !… Elle ne différait guère d’une ribaude… « Père et elle ! » Il y avait dans cet accouplement quelque chose de déplaisant, de… dégradant. « Moi, je m’en moque : la mort m’épie et sans amour, je prends du plaisir où il s’offre… Mais lui enfourchant cette cagne !… » Lui qu’il considérait comme une espèce de saint, tant pour son humilité et sa bénignité présentes…
    — Est-ce avant ou après le trépas de ma mère ?
    Bertine, agenouillée, leva une main. Il la laissa toucher la mince cicatrice qui déparait sa joue.
    — Longtemps après… Ça t’indigne et te surprend ?… Hou là là, je crois que j’aurais dû me taire… Grand seigneur ou non, ton père est un homme… Ce sont ses lions, pas lui, que l’on a équeutés !
    Ogier rajusta ses braies. Écœuré de lui-même, il ne savait que dire. En s’offrant incidemment cette médiocre jouissance, il avait revigoré la lubricité de Bertine dont le rire se feutra d’une pitié soudaine :
    — Il aurait bien fait ça du vivant de ta mère, va, s’il ne l’avait tant respectée. Faut dire qu’on savait toutes, céans…
    — Quoi donc ?
    — Qu’elle était pas portée sur les solas dont moi et toi on est amourés… Froide comme un glaçon, qu’elle était, même s’il lui avait fait deux enfants… Un soir, six mois après son veuvage, et comme je l’avais vu plus doulousé que jamais, je suis allée m’étendre sur sa couche… Oh ! là là… C’est qu’il a pas voulu et m’en a boutée durement puis lubriquement [226] … Que veux-tu : ça aussi c’est comme la malefaim. Et il a été sûrement plus repu en son lit qu’à sa table !
    La chair, encore la chair. D’un recoin de cette écurie dont le silence était parfois troublé par un sabotement ou quelque bruit de dents rongeant une mangeoire, Ogier découvrait que l’ancien preux invulnérable aux tentations malignes avait succombé à l’une des plus communes – car il ne doutait pas des propos de Bertine. Dans son inconvenance à lui révéler ce qui n’était qu’une faiblesse naturelle – pas même un péché véniel –, il y avait certes de l’orgueil et de l’effronterie, mais aussi une commisération telle qu’il ne pouvait réprouver cette audace.
    — Sacrée Bertine !
    Païenne mais nécessaire comme le remède à la plaie, la charité à la

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