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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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l’aime… Et méfie-toi de tout ce qui t’entoure.
    — Isa…
    — D’elle autant que d’un autre… et même davantage.
    Le cri d’une chouette, et le silence fouetté de pluie emplirent la chambre.
    — Elle n’est pas pour toi… Elle m’a dit que tu porterais ses couleurs…
    — Je ne lui ai rien promis !… Au reste, je ne veux point les porter.
    — Qui des deux ment, alors ?
    L’inconnue se leva, passa devant la fenêtre. Ogier aperçut ses cuisses claires, ombreuses au-dedans. Il sortit du lit tandis qu’avec une vivacité touchante elle se couvrait. Craignait-elle d’être tâtonnée ? Redoutait-elle tout à coup que quelque part en cette enceinte endormie, son époux s’inquiétât de sa disparition ? Enceinte ! Il avait de ces trouvailles… Quand elle le serait – il le lui souhaitait – elle se conquerrait moins aisément.
    — Votre torche est éteinte.
    — Je connais l’escalier. Je suis la seule… Cette chambre, on y dort rarement. C’était celle… Mais non : je t’en ai trop dit… N’essaie pas de chercher qui je suis, mais si tu me reconnais, au cas où nous nous trouverions en présence, fais en sorte qu’on ne soupçonne rien… Sache aussi que tu m’as donné du plaisir.
    Elle étreignit doucement Ogier, puis le baisa sur la bouche :
    — Tu resteras sans doute quelques jours… Je reviendrai… Je veux être prise, tu comprends ?
    Était-il le premier auquel elle venait s’offrir ? Non, sans doute. Et son époux – le baron – n’avait-il aucun soupçon ? Allons donc, il devait connaître cet escalier. Et Isabelle ? Était-ce à dessein qu’elle lui avait assigné cette chambre ? Et Jaquette ? Elle s’était inquiétée pour Saladin…
    — Dame, soyez prudente.
    Il l’avait saisie par les hanches ; il la trouvait admirable, à présent, tant pour son audace et son abandon passés que pour sa dignité si promptement reconquise.
    — Tu m’as donné plus que je n’espérais.
    — Je ne puis, dame, en dire autant.
    — Lâche-moi, souffla-t-elle, presque dédaigneuse. Elle était redevenue baronne, noblesse de corps et hauteur d’esprit dont elle ne se départirait plus avant quelque prochaine aventure. Ses yeux eux-mêmes s’étaient ternis.
    La porte se referma. La serrure obéit à la clé intérieure. Quelque part, Saladin remua et d’un bond sauta sur le lit dont il flaira les fourrures.
    Ogier bâilla. Demain, ils partiraient pour Chauvigny. Demain ? Non : bientôt. Avant de choisir l’endroit où dresser leur tente, ils iraient voir la lice et parcourraient la ville…
    Sous l’arceau de la fenêtre, la lune brillait toujours. Aux lueurs des brasiers de la prochaine aurore, son or mat se transmutait en argent.

IV
    — Hé, compères, voilà Chauvigny ! s’écria Champartel.
    Il nasillait, victime de la pluie et du froid de la veille.
    — Bah !… soupira Raymond, mal remis, lui, de ses fatigues. C’est une motte à peine plus large que Morthemer.
    — Elle lui ressemble, approuva Ogier. Mais voyez comme la rivière et le rocher la préservent… Et toutes ces bastilles dont elle est hérissée !
    Ivres d’orgueil, les cinq châteaux se découpaient, gris et lourds, au faîte de la colline. Ils semblaient s’y concurrencer, appuyés les uns sur les autres afin d’atteindre, avec l’extrémité pointue de leur donjon, le sommet du grand ciel nuageux. En dessous, des maisons et des arbres s’enchevêtraient pour s’assagir tout près des murailles d’enceinte. Au-delà de ces défenses pâles et rectilignes, la terre ondulait, tapissée d’herbe drue, parsemée de bosquets, bourrelée de vignes.
    — Moi, reprit Raymond en flattant l’encolure de Marcepin, il suffit qu’il y ait une auberge où le vin est bon pour que Chauvigny me contente… Pas vous, Adelis ?
    Étonnant Isabelle et son oncle, la jeune femme avait tenu à les accompagner. Habituée à la sambue de Facebelle, elle s’était vêtue d’une étroite robe de drap et de velours dont le rouge et le safran se confondaient sur ses genoux. Parfois, sous les cannelures des plis, Ogier entrevoyait ses chevilles. Et comme, mêlant des rubans vermeils à ses tresses, Adelis s’était coiffée en templières [273] , il lui trouvait l’air digne et même solennel.
    Il se félicitait que, la nuit précédente, Isabelle eût pris soin de les séparer, peut-être pour permettre à la dame de Morthemer de le rejoindre. Et sans doute Adelis

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