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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’était-elle réjouie de cet éloignement.
    « Elle et Isabelle dans la même couche ! »
    Certes, c’était souventefois la coutume. Soudain, plutôt qu’il en sourît, il la trouva malsaine.
    — Pour qui nous prendra-t-on ? demanda Thierry.
    — Pour ce que nous sommes : un hobereau, son épouse ou sa sœur et ses compagnons.
    Ils s’étaient habillés de leur mieux, mais sans recherche d’apparat : chaperons et pourpoints noirs, chausses grises et heuses propres. Ogier avait chaussé ses éperons d’or afin de compenser, par leur éclat et leur signification, la simplicité de sa mise. Ils allaient lentement sur le sol herbu, parmi les chênes et les haies d’aubépine fleurie, quand Raymond, qui chevauchait en tête, s’arrêta :
    — Oyez, dit-il. Voilà un homme heureux !… J’ignore ce qu’il chante mais ce soleil semble l’égayer…
     
    … Kouls hag an dinellou devet
    Kouls hag ar C’hallaoued rostet
    Ha tri mil anhe luduet
    Ha nemet kant ne oa chome [274]
     
    —  C’est du breton, dit Ogier.
    — Méfions-nous, grogna Raymond. Moi, ces hurons-là, je commence à en avoir assez !
    Adelis désigna le fourré derrière lequel s’abritait le chanteur :
    — Reconnaissez cet homme ! Il se disait, comme Bressolles et moi, de la Langue d’Oc, mais nous savions qu’il mentait.
    — Briatexte !… C’est par Dieu vrai… Je ne croyais rien de ses dires… Même Girbert le méprisait… Où est-il, notre ami, à présent ?
    Le maçon leur manquait. Avec lui s’en était allé quelque chose d’indéfini et de précieux. Aux moments de colère, il savait apaiser ; il tempérait la haine, prêchait la bonté, l’espérance. Il n’eût certes guère apprécié de revoir Briatexte… Que de cheminements depuis la séparation d’Oradour !
    — Que fait-il donc ici, messire ?
    Plutôt que de répondre à Champartel, Ogier décida sans ambages :
    — Doucement… Cernons-le, mais demeurons en selle. Il se peut qu’il ne soit pas seul dans cette jarrissade [275] .
     
    *
     
    Adossé à un arbre, une dague lui tenant lieu d’aiguisoir, Briatexte affûtait Gloriande, son épée. Sur un bissac, près de lui, un reste de cuissot et un croûton de pain attiraient les mouches. Artus, le cheval noir, paissait près d’une haie.
    — Argouges !
    Déjà, l’homme était debout, le poignard et l’épée agressifs, le regard scintillant de méfiance plus encore que d’ébahissement. Puis il rit en voyant apparaître Thierry, Adelis et Raymond.
    — Où est donc le maçon ?… Par Dieu ou par le diable, savez-vous qu’il m’advient d’y penser ?
    À cette joie bruyante, insincère, Ogier opposa une tranquillité presque outrageante :
    — Bressolles est loin… Nous nous rendons à Chauvigny…
    — J’y suis depuis deux jours, mes bons !… À l’Âne d’Or… On y mange et boit bien, les servantes sont belles… tout au moins pour mon goût…
    « Alors, pourquoi manges-tu comme un huron dans ses champs ? » pensa Ogier.
    Il aperçut, non loin d’Artus, la fardelle de peau de cerf contenant les pièces d’une armure qu’il ne connaissait que trop. Par précaution, Enguerrand ne devait jamais s’en séparer. Mais se prénommait-il Enguerrand ? Rien n’était moins certain. Une barbe d’un mois couvrait son visage.
    — Quels desseins vous ont poussés jusqu’en Poitou ?… Quand je pensais à toi, Ogier, je te voyais à Gratot benoîtement installé, adonques peu enclin à manier l’épée… Or, te voilà !
    « Il dit n’importe quoi… Il a l’œil toujours aussi plein de détestation… Comme il est Breton et a servi l’Anglais, il est du parti de Montfort. »
    — Ce qui m’amène, Enguerrand, ce sont les joutes et le tournoi. Tu peux rengainer tes armes.
    — Tes raisons, compagnon, sont les miennes. Et je remets, tu vois, mes lames dans leurs feurres [276] …
    Ogier rompit ces fausses courtoisies :
    — Vous nous avez quittés de bien malséante façon avec ma cousine et le jeune Hervé… Où sont-ils ?… Les avez-vous occis et portez-vous leur deuil… sur vos joues ?
    Les sourcils de Briatexte se froncèrent : quand elle s’exerçait à son détriment, il détestait la moquerie. Il passa ses mains luisantes de graisse sur son pourpoint déchiré tandis que le regard d’Ogier tombait sur ses houseaux crottés, dépourvus d’éperons. Ce n’était guère dans ses mœurs de se vêtir en manant. Mieux valait, toutefois,

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