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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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s’abstenir du moindre commentaire.
    — J’ai, l’ami, perdu ta cousine et ce jeune trou-du-cul dont elle faisait son écuyer après avoir chevauché en leur compagnie jusqu’à Rochechouart. Là, au seuil de la cité, tandis que je cherchais un fèvre pour Artus, ils sont partis… Je ne sais où ils sont… Es-tu satisfait ?
    Ogier décida de maintenir le voussoiement. Ainsi, repoussait-il dans l’esprit du Breton tout dessein – astucieux ou non – de compérage.
    — Je vous sais bon gré de votre honnêteté. Mais permettez-moi de m’ébahir. Chauvigny appartient au royaume de France… Vous le combattez, si j’ai bonne mémoire !
    Du pied, Briatexte dispersa les reliefs de son repas ; Saladin bondit sur le cuissot.
    — Ton chien a toujours autant d’appétit !
    Remarque dilatoire. D’un pas lent, sa besace sur l’épaule, l’ancien compagnon de Robert Knolles s’approcha d’Artus et suspendit les deux sacs de part et d’autre de l’arçon de sa selle. Ensuite, il posa sur la croupe matelassée du cheval la fardelle contenant son armure. Tandis qu’il l’attachait soigneusement au troussequin, Artus, soudainement alourdi, exprima son mécontentement par quelques coups de reins et gambades.
    — Vous devriez avoir un sommier. Un bon mulet ou un genet comme le nôtre qui se repose ce jour d’hui. Artus ne mérite point cette… dégradation.
    — J’y songerai.
    — Et lui graisser les pieds. Il en a besoin [277]  !
    D’une main, Briatexte éluda ces propos :
    — J’imagine, Argouges, les pensées qui serpentent sous ton chaperon de bourgeois. Tu pourrais me dénoncer aux juges, leur dire que je suis un félon, prétendre que le nom que je porte est usurpé… Je m’en abstiendrais à ta place. Tout d’abord, il se peut que sous ce pourpoint de huron, je porte un sauf-conduit émanant d’un haut personnage… Ensuite, tu ignores si j’ai changé de cause en huit mois [278] … Enfin, si tu me dénonçais, je pourrais publier ton nom, parler de ton père et te dénier le droit de courir fût-ce une lance ! Car tu as dû emprunter un nom, toi aussi… Pas vrai ?… Pense au châtiment que tu recevrais pour avoir abusé les hérauts, les juges et tous les chevaliers présents !
    Une fois de plus, Ogier se sentit dominé par cet homme.
    « Tu n’as pas changé de camp, Enguerrand. Tu es là, au contraire, pour faire avancer ta cause. Il va falloir que je te surveille ! »
    Il sourit bien qu’il sentît sur lui, plus encore que d’ordinaire, le poids d’un opprobre qui le reléguait dans une médiocrité dont Briatexte, lui, s’accommodait sans vergogne.
    — Hélas oui, je suis tenu au secret ! C’est pourquoi j’ai pris le nom d’Ogier de Fenouillet. Souvenez-vous-en… Souvenez-vous aussi qu’Adelis est ma sœur. Quant à vous dénoncer, eh bien, je ne vois pas pourquoi je le ferais si, de votre côté, vous demeurez loyal… D’ailleurs, en cas de trahison, quelqu’un me viendrait en aide… Je crois que Dieu m’assisterait.
    — Un tel soutien me paraît des plus faibles !
    — Dieu est présent ! Si vous ne l’aviez senti vous abandonner, auriez-vous blasphémé quand nous nous affrontions et que je prenais l’avantage ?
    Briatexte ricana ; il était inchangé, bien que son œil parût moins vif :
    — On en veut toujours à Dieu, notre créateur, quand on sent ses forces en déclin !
    Et brusquement soucieux :
    — Eh bien, c’est vrai, Ogier : j’expose ma vie en Poitou. Quelques ennemis peuvent me reconnaître… Que veux-tu : j’aime aussi les heurts des aciers pacifiques. Les tournois sont rares par ces temps maudits… Quand j’ai su qu’il y en aurait un à Chauvigny, j’ai quitté l’Aquitaine…
    — L’Aquitaine ?… Vous me parliez de Rochechouart !
    Briatexte eut une lippe d’amertume – peut-être simulée :
    — Le jour même où ta Tancrède m’a lâché, j’ai rejoint des compagnons. Avec eux, je suis revenu à Bergerac où Bernard d’Eyzie et le seigneur de Vayres, Bernard d’Albret, m’ont conseillé de rejoindre Derby, ce que j’ai fait… Le comte était heureux : les cités de Masdurant, la Monzie, Paunat, la Rue étaient tombées…
    — Petites cités, petites victoires !
    — Nous avons suivi le cours de la Dronne. Nous pouvions envahir Bourdeilles ; nous sommes allés à Pierregord [279] que Derby a renoncé à prendre… Là, cependant, votre comte de l’Isle a sacrifié deux cents

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