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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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dirait Bressolles s’il apprenait un jour ?
    Une goutte sur la joue de Raymond – sueur ou larme – révéla à Ogier l’ampleur de cette perte pour un autre que lui.
    — Elle savait pourtant qu’elle devait se méfier !
    L’ombre du chêne s’allongeait ; le bleu du ciel noircissait pour l’habituel répit nocturne. Les murailles de Chauvigny prenaient une teinte ocrée, rayée de vermillon, de vert, d’or, au passage des bannières. Thierry amenait les chevaux. Il s’occuperait particulièrement d’Artus, lequel se cabrait un peu et devait chercher Kergœt.
    — Il convient, dit l’écuyer, qu’elle soit dignement mise en terre…
    — Puisqu’il le faut ! dit Raymond, violemment.
    Bien qu’ils ne les eussent pas entendus, ils avaient tous dans l’âme les cris d’Adelis luttant seule contre ses agresseurs et sachant qu’elle succomberait sous leurs coups. Ces cris semblaient les échos, perceptibles à eux seuls, d’un printemps clair, fertile en espérances et soudainement endeuillé par une perte d’autant plus terrible qu’elle était inattendue.
    — Comme elle a dû nous haïr ! dit Raymond.
    — Non, dit fermement Thierry. Elle en était incapable.
    Il talonna Marcepin et, tout en s’éloignant, s’absorba dans une méditation hautaine.
    Ogier sauta sur Marchegai.
    — Raymond me déteste… Il se peut que je m’en sois fait un ennemi.
    — Allons donc ! dit Thierry. Mais jamais j’aurais pu penser qu’il aimait tellement Adelis… Il souffre… Venez, messire… Et sang-Dieu ! redressez la tête.
     
    *
     
    Une pelle seulement. Chacun creusant sa part tandis que les autres veillaient aux chevaux, la fosse fut hâtivement prête. Ogier l’avait voulue profonde afin que la morte y reposât en paix.
    — Te sens-tu, Raymond, le courage de l’ensépulturer ?
    Sans un mot, avec maintes précautions, le sergent prit la défunte à bras-le-corps et la fit glisser dans le pertuis où elle tomba sur le flanc, les jambes à demi ployées.
    — Dieu ait son âme, dit-il, les mains jointes.
    — Dieu l’accueille en son Paradis, murmura Ogier.
    Un même émoi agitait leurs cœurs. Sans se parler, ils échangeaient sur la trépassée des avis qui ne pouvaient être que semblables. Adelis leur avait fourni de beaux mais différents espoirs. Par amitié, ils l’avaient transplantée, tant à Rechignac qu’à Gratot, loin de ses racines, dans un terrain propice à sa fleuraison. Vaines espérances que de l’installer définitivement dans le personnage de dame qui lui revenait. Le miracle d’un complet épanouissement n’aurait pas lieu. Jamais plus ils ne reverraient son regard si plein de franchise et d’indulgence ; jamais plus ils ne s’émouvraient de son sourire et de la mélancolie de sa voix.
    Ogier n’osait parler. La jeune femme au visage ruisselant d’eau, assise sur un rocher de cascade, la nymphe patouillant dans la mer et d’autres personnages d’Adelis, à la fois plus brumeux et plus précis, persistaient dans sa mémoire. Pas plus que lui, elle ne s’était doutée de l’amour profond, peut-être désespéré, qu’elle avait inspiré à Raymond. Morte ! Vision insupportable que ni ses deux compères ni lui-même ne parviendraient à dissiper. À son remords d’avoir causé sa perte s’ajoutait le regret de sa dureté à l’égard de celui qui l’avait chérie en secret. C’était Raymond, l’homme d’armes apparemment insensible jusqu’à ce jour, qui souffrait le plus de ce trépas.
    Comme il jetait avec désespérance et frénésie une dernière pelletée sur le tertre de terre caillouteuse, il fut pris de pitié envers son compagnon :
    — Nous ne pouvons, Raymond, mettre une croix sur cette sépulture.
    — Je sais, Messire. Nous la porterons dans notre cœur.
    — Certes… Je prierai pour elle… Si tu veux, nous le ferons ensemble.
    — Je préférerais que ce soit chacun pour soi et chacun pour elle.
    — Tu es libre.
    — Elle a embelli notre reze [330] .
    — Tu l’as dit !
    Ils avaient envie de parler librement comme avant la mort d’Adelis, comme s’ils eussent pu, à force de verbiage, exorciser leur chagrin.
    — Allons, vous deux, grommela Thierry. Il vous faut guérir de cette affliction. Adelis elle-même vous l’aurait demandé.
    Raymond se tourna, farouche, vers l’écuyer :
    — Guérir ! Guérir !… Tu nous la bailles belle. Pour ce deuil, je ne connais aucun remède.
    — Ni moi, dit Ogier,

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