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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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assistaient à la dénudation d’Hérodiade ?… Et n’était-ce pas la jongleuse qui traversait maintenant le champ clos, serrant un fardeau contre sa poitrine ?… Si… Apolline vivait. Et Adelis ?… La voir marcher, la voir sourire… Voilà qu’il la restituait, nue, sous l’ondée du ruisseau, avant que Norbert l’eût agressée ! « Qu’elle se montre ! » Si toutes ses pensées se chargeaient de ferveur, ses nerfs, son cœur s’irritaient ; ses poumons oppressés semblaient se racornir. Depuis longtemps le soleil déclinait… La trouver promptement ! Il fallait qu’ils revinssent à Morthemer avant la nuit, de façon à en partir sitôt l’aube, avec leurs harnois et parures. Il ne pouvait s’attarder à Chauvigny… Et toujours, toujours Adelis ; son regard de complicité tendre lorsqu’il lui avait demandé de suivre le boiteux à la huque déchirée… Qu’elle apparaisse enfin ! Que cette espérance cruelle aboutisse… Tiens, Saladin reniflait avec insistance, levait le cou et humait le vent…
    Ogier se retourna. Là-bas, sous le grand chêne, Thierry parlait à des hommes d’armes. Étaient-ils donc déjà sortis de l’Âne d’Or ou était-ce une autre compagnie ? Le long de la lice, close à présent, Raymond arrêtait son cheval pour interroger une commère.
    Saladin aboya, courut jusqu’à la Vienne, aboya encore et disparut entre deux peupliers chaussés de buissons. Ici s’amorçait un chemin. Il déclinait vers la rivière, étouffé par des roncières, des pruneliers et des vergnes. Ogier s’y engagea, écartant, de son épée dégainée, les branches, les brindilles et les épines gênantes.
    « Elle serait venue jusqu’ici ?… Peut-être, après tout pour y satisfaire un besoin. »
    Des oiseaux s’envolaient, lacérant d’un éclair brun la verdure encore jeune. Saladin flairait et repartait, la queue battante. Savoir où ce sentier aboutissait. À l’eau certes ; mais ensuite ? Crier «  Adelis  » ? Non… Avancer lentement et sans bruit, ce que d’ailleurs elle avait dû faire si elle était venue en cet endroit. Mais pourquoi ? Ou bien : À la suite de qui ? Elle aurait dû renoncer…
    La pente devint raide, son feuillage touffu, pervers : même fouaillé, aplati par quelques coups de lame, il piquait, accrochait. Dans des brèches luisait la Vienne, en contrebas, parmi les ramilles et les fougères. Adelis était-elle venue jusqu’ici ? On y était passé : des empreintes de pas marquaient la terre spongieuse qui affleurait la rivière. Dans une échancrure hérissée d’herbes molles, un poisson mort : un gardon rigide dans sa cotte de mailles, livré aux assauts des mouches et des cloportes… Clapotis… Quelques clartés cillaient au fond de l’eau. Avancer lentement… Se pouvait-il qu’elle fût passée par là ? Froissements des herbes… Il avançait sans plus voir Saladin, l’oreille pleine de la musique silencieuse du flot ensoleillé, quelquefois troublée par le saut d’un poisson ou la chute d’une feuille. Partout des saules, des frênes, des ormeaux agrippés à la terre matelassée de broussailles d’où sortaient les massues bleutées d’une horde de chardons. Se pouvait-il qu’elle fût venue en ces lieux ?… Un fil safran retenu par la griffe d’une ronce. S’il y avait eu des pas, l’eau les avait absorbés.
    — Merdaille !… Elle n’a pas pu s’empêtrer jusqu’ici pour pisser !… Si elle y est venue, c’est qu’on l’a entraînée… Putains de chardons !
    À chaque enjambée, il se piquait les cuisses, les mollets. Bleus, jaunes, tordus, recroquevillés, certains par l’âge, d’autres par un coup de bâton, les épiniers revêtaient la berge comme une immense compagnie chargée de sa défense. Il fallait les mutiler.
    Ogier à grands taillants agrandit le sentier.
    « Si elle est passée par là, contrainte ou non, sa robe la protégeait. »
    Des arbres, maintenant, hauts et fiers. Quelques-uns arboraient, pareils à de gros chardons noirs, des nids de pies sur leur cimier.
    — Enfin !
    Le chemin s’élargissait. Ogier ramassa une branche rompue, gluante, cassée depuis peu. Il y avait des pas sur le sol… Méfiance… Saladin, proche mais invisible, gémissait.
    — J’arrive, ami, j’arrive !
    Ogier enjamba quelques pierres plates pour franchir un filet d’eau. De l’autre côté aboutissait un sentier moins étroit. Aucun doute : on était venu, on avait glissé,

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