Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
barboté dans la vase ; on s’était battu.
    La sueur au front, le garçon vit des branchettes cassées, des feuilles froissées, arrachées, un cordon de lierre joignant des touffes d’aulnes, et toujours des marques de pas indéchiffrables. Saladin revint vers lui et jappa.
    Il suivit le chien. Celui-ci s’arrêta bientôt et saisit quelque chose dans sa gueule.
    — Donne… Oh ! elle est bien venue…
    Ogier tenait dans le creux de sa paume la boucle de la ceinture d’Adelis. Il la reconnaissait d’autant mieux que cet affiquet avait appartenu à sa mère. Il figurait un arc bandé dont la flèche constituait l’ardillon.
    — Avançons…
    Il avait peur, maintenant. Ses semelles firent gargouiller des cailloux. « Bon Dieu ! Qu’a-t-il bien pu se passer ? » Aucun pêcheur sur cette berge et celle d’en face. Une barque amarrée de l’autre côté. On avait pu… Non, pas de suppositions. Retrouver Adelis. Il se sentait happé par le malheur. Il fallait absolument qu’il… Qu’il quoi  ? Se pouvait-il qu’Adelis…
    Il se hâtait, l’épée levée. Ses mollets entraînaient des tresses importunes, ses genoux se piquetaient de gratterons. Glissant soudain, il mouilla ses chevilles. Des pas sur le sol, les uns vifs, tels des coups de marteau ; les autres traînants : elle.
    Haletant d’émoi, il déboucha parmi des broussailles plus basses, clairsemées, scruta l’ombre de la pente vide d’arbres en un endroit, et aperçut la bouche en saillie d’une crevasse à mi-chemin entre le sommet et la rivière.
    — Une belle cache, en vérité !
    Son cœur cognait, ses jambes fléchissaient. Il se pencha au-dessus de son chien et tressaillit : Saladin flairait une mince coulée vermeille.
    — Va ! Va !… Je te suis…
    Une frayeur éclatait en lui. La terre, plus haut, était éclaboussée de traces ; du sang, çà et là, fleurissait la feuillée.
    — Où sont-ils ?
    Il gravit la pente aussi vite qu’il le pouvait, glissant sur les éboulis, s’agriffant d’une main à la terre, aux racines et ramières, et serrant Confiance de l’autre.
    Il bouillait, excité par un courroux féroce, et refusant de croire que ce sang fut celui d’Adelis.
    C’était bien l’entrée d’une caverne ; on s’y était réuni : des morceaux de pain frais, des peaux de saucisson, du gras de bacon révélaient un repas sommaire. Était-ce profond ? Saladin s’étant précipité dans le trou sans méfiance, le garçon s’y engagea.
    Ce refuge pouvait contenir trois hommes. Vide. Le chien en reniflait le sol. Rien. Mais alors ?
    — Cherche ! Cherche !
    Le museau bas, flairant et gémissant, Saladin descendit la pente. Ogier le suivit. Il ne pensait plus, la tête trop échauffée, le cœur secoué. Clapotement de pattes dans l’eau ; et le fracas, étoilé de jaillissements, du chien s’élançant à la nage.
    Un bouquet d’ajoncs, et derrière…
    — Mon Dieu !
    Ogier rengaina son épée. Adelis était là, immobile, à demi absorbée par le miroir liquide, ses cheveux seuls vivant dans des reflets dorés.
    — Mon Dieu !
    Elle le fascinait. Morte. Morte. Te rends-tu compte ? Morte. Plus rien. Morte. Il la regardait, les yeux brûlants et fous, la mâchoire crispée sur un cri impossible. Et il pensait : « Non ! Non ! » Il ne pouvait voir son visage enfoui dans la rivière, mais il voyait le cou béant et rouge, sous l’oreille.
    Qui ? Le saurait-il ? Comment ? Pourquoi ? Saladin tirait sur la robe alourdie. «  Ils l’ont jetée à l’eau pour qu’elle coule ou soit emportée. » Il rejoignit son chien, pataugeant dans la vase caillouteuse, incapable de lier deux pensées. Au froid figé de plus en plus haut dans ses jambes, il s’aperçut qu’il s’embourbait.
    Enfin.
    Adelis abandonnée dans ses bras, mollie, flétrie, sa tête renversée sur son coude… Cette horribleté vermeille… Ses yeux ternis… Sa bouche ouverte sur un gémissement ; cette bouche qui lui avait souri, là-haut, près du château de l’évêque… Chair misérable… Pourquoi ?… Elle était enfin heureuse, mais après quelle terreur !… Cette lame entamant ce cou gracile… Que faire ?… Pourquoi lui avait-on fait ça ? Comment la venger ? Saladin gémissait, lui aussi, ne comprenant rien à ce sang, ce corps inerte, ces bras ballants, lui qui souvent avait eu ses caresses.
    Atteignant la berge, Ogier fut tenté de partir vers la lice. Il marcha un instant avec

Weitere Kostenlose Bücher