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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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marches de l’estrade où les ménestrels jouaient désormais une carole. Et d’autres dames arrivaient, parées, fardées, gracieuses ou hautaines, mais toutes satisfaites de leur robe de cendal, de samit, de mousseline d’Orient ou de soie de Palerme. La fraîcheur de l’air devait les saisir des chevilles à l’encolure de leur corselet d’où leurs seins bombaient sous des liteaux en dentelle. Les plus hardies, qu’elles fussent ou non mariées, prodiguaient leurs sourires, assurées de régner bientôt sur certains turbulents. Pour une œillade d’une de ces mâtines, les plus ambitieux d’amour se jalouseraient, se disputeraient et finiraient par se férir à grands coups de lame, comme à la guerre… Et le vacarme s’épaississait entre l’église et les maisons circonvoisines, toutes parées à outrance ; et noyés dans cette cohue aux agitations différentes de celles des batailles, des destriers s’ébrouaient, émettaient des plaintes brèves ; certains, plutôt que de ruer, cherchaient à se cabrer – vainement.
    — C’est folie d’avoir amené là ces bêtes.
    — Messire, je me sens aussi excité qu’elles !
    Champartel subissait assez favorablement, semblait-il, le voisinage de tant d’hommes de guerre.
    — Tous ont l’air de se prendre pour le prochain vainqueur.
    — C’est saine ambition, Thierry. Sans espoir, la vie est morne.
    À mesure que le temps passait, les imaginations fermentaient. Il n’était pas un baron, pas un écuyer, sur cette place – même le plus faible et le plus emprunté – qui ne se sentît admiré comme un preux par les Chauvinoises et les visiteuses ; et pourtant l’incertitude du lendemain serrait toutes les gorges et malmenait tous les cœurs. Si redoutables qu’ils se crussent et le voulussent paraître en raison, l’un de sa dignité formelle, les deux autres de leur position en Cour, le comte d’Alençon, Blainville et Charles d’Espagne, à cheval, face à tous sur le seuil de l’église – comme s’ils lançaient un défi grandissime – devaient souhaiter, eux aussi, que la porte fut tirée afin d’échapper aux inconvénients de l’attente.
    — Tiens, dit Thierry, ils sonnent les cloches à herle [380] .
    Les pigeons du clocher s’envolèrent, et comme le carillon cessait presque immédiatement, Ogier entendit une musique orageuse. Les stridences des busines y tenaient lieu d’éclairs, et la foudre jaillissait à chaque heurt des nacaires [381] .
    — C’est messire André ! s’écria un enfant debout à une fenêtre.
    Un cortège apparut.
    Le baron s’était fait précéder de son étendard, qu’un sergent musculeux, vêtu et coiffé de mailles, maintenant bien haut, de biais, en marchant lentement. Ogier retrouva sur les plis soyeux, ondoyants, les armes qu’il avait aperçues çà et là dans la cité : d’argent à cinq fusées et deux demies de gueules posées en fasce au lambel de sable à six pendants. Derrière ce gonfanonier brillant et solennel avançaient, trois par trois, les musiciens : trois tambours, trois buccinateurs, trois cymbaliers. Ils étaient vêtus de rouge et de noir, coiffés d’une chapeline de fer à crête saillante, et devançaient les porteurs d’un dais aux lambrequins violets, brochés d’or et d’argent, sous lequel marchait un personnage gras, mitré, dont la crosse ponctuait chaque enjambée : le révérendissime Fort d’Aux. Même à l’ombre de son toit de velours, sa chasuble damassée, rehaussée de pierreries, brillait effrontément. Ogier trouva au saint homme un air de banquier lombard ou florentin auquel il n’eût pas confié quatre deniers. À la suite de ce prélat rougeaud et glabre, trois par trois, les mains enfouies dans leurs manches et la face basse, douze clercs avançaient, parmi lesquels Thierry, le premier, reconnut frère Isambert, la tonsure en friche et le crucifix pendouillant.
    — Peut-être, messire, le chévecier se trouve-t-il parmi eux.
    — Peut-être… Tiens, voici Alix d’Harcourt.
    Juste après les ecclésiastiques, assise sur une sambue dont les crépines de soie cramoisie, garnies de grillettes, tintaient gaiement, et menant une haquenée blanche aux crins ondulés, une femme souriait à l’entour. Elle s’était parée d’une robe de samit rose, serrée à la taille par une ceinture d’orfroi, et couronnée d’un touret [382] d’or et d’argent dont l’usage se répandait chez la gent fortunée. À ses longues

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