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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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hautain et soupçonneux, loin de ce baron dont l’armure, tel un grand miroir brisé, reflétait la robe blanche à longue traîne et qui, lui aussi, le dévisageait attentivement.
    — Mille grâces, messire Ogier.
    Isabelle rosit sous ses fards légers.
    — Je suis bien aise de vous revoir… N’êtes-vous pas ébaubi ?
    — De vous trouver ainsi ? Nullement, damoiselle. Je vous sais capable de tout.
    Dans leur silence passa un singulier courant dont chacun sut qu’il était perçu par l’autre ; et c’était un courant de suspicion et de dédain. Ogier ne put s’empêcher de penser : « Sa chance est imméritée… Dans ces liesses, il faut une reine douce et pleine d’équité… Ils ont choisi tout le contraire, car elle n’a ni cœur ni mesure… ni mémoire. » Elle semblait avoir oublié qu’elle lui devait sa liberté, sûrement, et sa vie peut-être, tandis qu’au fond de ses prunelles fixes et comme sèches, c’était la nuit. Voyant, ensuite, le sourire teinté d’une fausse indulgence, il s’encoléra : « Tu peux vouloir paraître et de sucre et de miel, tu n’es que sel et vinaigre ! » Il se surprit alors à reculer, comme si la donzelle pouvait le griffer ou lui cracher au visage.
    — Je viens juste d’arriver de Morthemer avec ma tante et quelques hommes d’armes. Mon oncle vous en veut d’être tous partis en si grand-hâte… comme si vous aviez quelque vilenie à vous reprocher !
    Elle rit ; Ogier pataugeait dans l’ennui. Que savait-il de cette fille ? Rien, à vrai dire, sinon qu’elle lui portait sur les nerfs… Inquiétante ? Ah ! certes oui ; mais il se pouvait que l’offense qu’il lui avait délibérément infligée en refusant d’être son chevalier se fût dissoute dans sa joie d’être reine, et qu’elle l’eût grâcié sans remords, la magnanimité ou plutôt, dans son cas, l’indifférence grandissime, étant vertu royale !
    — Et vous ? M’en voulez-vous toujours, Isabelle ?
    Elle pâlit ; ses traits prirent une densité singulière, majestueuse et despotique :
    — Je viens de croiser Bertrand Guesclin. Je dois vous dire que son courroux est aussi grand que son étonnement.
    « Elle ne me répond pas, donc elle m’en veut ! »
    Olivier de Fontenay se manifesta :
    — Continuons, damoiselle… Continuons, messire André…
    Ogier fut soulagé par cette intervention. Isabelle lança une œillade au baron lequel, comme le Roi d’armes, n’avait rien compris à cet échange de propos doux-amers.
    — Je vous suis… Je vous suis, messires.
    Le garçon ne vit bientôt plus, dans la cohue, que le blanchoiement d’une robe exquise dont une fillette, en blanc également, soulevait la traîne.
    — Venez, dit Champartel, marchons vers ce jardinet.
    — D’autant plus volontiers, Thierry, que la voilà !
     
    *
     
    Quand bien même il ne l’eût jamais rencontrée avant ce moment béni entre tous, Ogier eût compris, la voyant apparaître sous les voûtes illuminées par le soleil revenu, que Blandine était une jouvencelle de qualité. Heurtant Thierry du coude, il chuchota :
    — S’il y a une pierre de touche, pour une fille, c’est la grâce davantage que la beauté, souvent inséparable de l’orgueil…
    — Et alors, messire ?
    — Elle détient les deux : elle est belle, avenante.
    Elle était accompagnée de sa mère, vêtue de gris, les tresses roulées en templières ; quant à son père, en retrait, il était petit, replet, austère. Sans s’émouvoir – du moins en apparence – elle subissait la convoitise des hommes, les regards transperçants des gentilfames, les murmures aigrelets des roturières. Tant d’hommages eussent pu l’étourdir ; elle demeurait délicieuse et modeste.
    — Par ma foi, messire, elle devrait faire la nique à Isabelle !
    Ogier approuva son écuyer. Dans ces lieux encombrés, bruissants de cliquetis et d’appels, Blandine incarnait la décence et la dignité souveraines.
    — Ah ! père, dit-elle, voilà le chevalier qui m’a délivrée de cet outrecuidant que vous venez de défier !
    Ces mots formulés d’une petite voix vibrante démentaient la réserve de sa personne. Il semblait qu’elle n’eût jamais tant parlé. Ogier la sentit plonger en lui des racines que rien, désormais, ne pourrait extirper.
    — J’ai eu grand-peur car aucun des seigneurs qui se trouvaient là n’a fait ce que vous avez fait, messire… à croire qu’ils étaient heureux

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