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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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vous avez peur !
    Sous les sourcils légèrement froncés, l’ambre scintillant s’obscurcit :
    — On dit que cette fille n’a pas toute sa raison.
    — Mon écuyer et moi nous en sommes aperçus !
    Comme la jouvencelle l’épiait entre ses cils tremblants, Ogier crut qu’elle fixait son intérêt sur la cicatrice du coup de fouet que Didier de Saint-Rémy lui avait autrefois porté. Jusqu’à ce jour, il n’en avait eu nul souci ; maintenant, elle le brûlait : il craignit que Blandine, éprise en tout de belles choses, ne le trouvât laid et rustique.
    — Damoiselle, pourrais-je vous revoir demain ?… Où logez-vous ?
    — Non loin d’ici, en montant. Mon père vient d’acquérir une maison proche de celle d’un mire du nom de Benoît Sirvin.
    — J’en ai ouï parler. Nous reverrons-nous ?
    Il caressait sa joue, cachant ainsi le sillon mince, un peu rose, où la barbe ne poussait plus. « Laid !… Elle doit me trouver laid ! Il me faut donc avoir plus d’audace. » Il insista :
    — Nous revoir, damoiselle !
    Elle sourit ; le garçon sentit son cœur bondir tandis que Champartel toussait, réprobateur.
    — En fin de journée, mes parents sont reçus par monseigneur Fort d’Aux… Je ne puis les accompagner…
    — J’irai dans votre rue… Je vous y attendrai.
    — Oui, messire… Oh ! Je vous laisse car les voici qui reviennent…
    Elle fit demi-tour ; Ogier fut privé du plaisir de la regarder s’éloigner car on le bousculait ; une voix lui enjoignait : «  Suis - moi  » d’une façon presque indistincte. C’était frère Isambert.
    Le moine marchait la tête basse, les mains dans ses manches, le guichart [410] haut levé, le crucifix branlant. Il n’éprouvait aucun souci de se heurter aux hommes et surtout aux femmes. Passant dans la pénombre d’une voûte, il dit précipitamment :
    — Par ici… Soyons prudents !
    Dehors, les ménestrieux jouaient une carole. Quelques chevaliers et leur dame dansaient sous les regards des manants. Frère Isambert les contourna et se mit à gravir une voie étroite.
    — Prudence, mon fils, prudence !
    Ogier marchait sur les talons du moine, laissant à Champartel, distant de quelques toises, le soin de se retourner pour s’assurer que nul suspect ne les suivait. La rue s’enfonçait entre deux rangs de maisons pavoisées, apparemment vides. Elle aboutissait au château de Gouzon. Frère Isambert se jeta dans l’ombre du donjon. Ogier l’imita. Ils atteignirent ainsi l’église Saint-Pierre pareille, bien qu’elle fut quatre ou cinq fois moins spacieuse, à celle du Puy-Saint-Front. Le clerc en contourna le chevet bourrelé de trois petites absides rayonnantes couronnées de parapets en forme de dômes.
    « Où me conduit-il ? »
    — Hâte-toi !
    À peine eut-il levé les yeux sur la tourelle du clocher, coiffée d’un cône d’écailles, que le clerc intima :
    — Viens, mon fils. Entrons.
    Dans le saint lieu, Ogier fut moins saisi par la fraîcheur captive des colonnes que par les ornements de leurs chapiteaux : hommes-singes, femmes damnées, lions ailés à la queue terminée par une main et frappant de grimaçants martyrs ; sphinx, danseur à quatre jambes dévoré par des chiens, oiseaux-sirènes ; Satan glorieux au seuil de l’enfer, et enfin deux dragons ailés à tête unique dévorant un homme nu, tout cela baignant dans une lumière pâle et paisible.
    — Les desservants de cette église doivent avoir des sommeils déplaisants !… Et vous peut-être aussi, mon père… Sans oublier les fidèles !
    Frère Isambert haussa les épaules et désigna l’autel :
    — Allons derrière… Tu vois, nous sommes seuls, mais fais vélocement !
    Ogier se détourna : Thierry venait d’apparaître.
    — Veille à la porte.
    — Il y en a deux, messire, dit l’écuyer. La grande, par où nous venons d’entrer, et l’autre, là-bas…
    Frère Isambert courut pousser le verrou du petit huis, puis il avança vers le chœur, s’agenouilla devant la Croix et contourna la Sainte Table. Il s’assit à même les dalles, invita l’importun à l’imiter, puis s’enquit :
    — Que veux-tu ?
    Ogier se passa de circonlocutions :
    — Entrer demain, vers la mi-nuit, dans le logis du chévecier. Je le connais du dehors. Il faut que j’y sois seul avec mon compagnon.
    Un soupir gonfla la coule d’Isambert ; son nez tout enflammé parut s’allonger :
    — J’ai de plus en plus peur

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