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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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devant elle allait être terni s’il n’exécutait point Renaud vélocement.
    — Je le vais meurtrir, cousine, mais par goût de justice, nullement pour te complaire… C’est à lui que revient la mort de Blanquefort. Il avait scié son épée avant qu’il combatte le champion de Robert Knolles. Ne te l’avais-je pas dit ?
    Et sans plus se soucier de Tancrède :
    — Ma lance, Champartel !
    Il empoigna l’arme humide sous le garde-main et la brandit devant Renaud :
    — La reconnais-tu ? C’est celle de Blanquefort, que tu fis occire par une fallace [50] exécrable !
    — Votre targe, messire, dit Champartel. Laissez-moi tenir un moment ce glaive [51] .
    En grimaçant, Thibaut d’Augignac désigna les fauves diffamés peints sur la face du bouclier :
    — Deux lions dont vous ne pouvez être fier !
    Il y eut des rires. Occupé à passer son bras dans la première énarme de l’écu [52] , Ogier ne répliqua rien. À quoi bon s’encolérer pour un trait de cette espèce ; l’important, c’était qu’il se sentît solide sur sa selle et confiant en Marchegai ; indestructible, avec au fond de lui, tel un brandon énorme, ce grand besoin de violence homicide.
    Raymond agita la hache d’armes :
    — Elle vous attendra, messire, au bout de la lice, là-bas…
    Comme son cheval, impatient, encensait, Ogier rempoigna fermement la lance entre le garde-main et la grappe [53] et, relevant la tête :
    — Je suis prêt, Augignac.
    Ensuite, négligeant son ennemi, il interpella le baron :
    — Mes armes sont, messire, ce qu’un méchant larron les a faites. Mais elles recouvreront leur intégrité… Votre fils, qui lui ne fut jamais intègre, va perdre sur-le-champ tout espoir de le devenir !
    Et nullement gêné par le poids et l’encombrement de son écu, il rabattit sa visière.
     
    *
     
    « Oh ! le présomptueux… Il a brisé son bois sur mes lions ! »
    Simultanément, le picot de la lance d’Ogier pénétra au bon milieu de l’écu adverse, repoussant Augignac contre son troussequin.
    « Il chancelle et va tomber… Non !… Quelle male chance ! »
    Lâchant le fragment de hampe coincé sous son aisselle, Renaud tourna bride et rejoignit les siens.
    Ogier, d’un bref galop, fut auprès de ses compagnons, remit sa lance intacte à Champartel et saisit la hache d’armes dans la poigne de Raymond qui hurla :
    — Messire, tournez-vous ! Il va vous meshaigner !
    Approuvé par des clameurs et des sifflets, Renaud se ruait à l’attaque en moulinant une francisque.
    « Ruin [54] et déloyal ! Je vais l’aborder du côté opposé à son arme. Il devra pour frapper se tordre et se pencher ! »
    Déjà, les destriers s’aheurtaient. Le bouclier d’Ogier frémit sous un fendant d’une violence insoupçonnée.
    « Bon Dieu ! » Il était désavantagé face à cette hache longue et lourde. Il aurait dû prévoir que ces perfides useraient des pires moyens pour le vaincre.
    Les coups pleuvaient sans qu’il pût rudement y répondre. Son bras gauche vibrait, douloureux jusqu’aux os, mais sa main gantée de fer demeurait rivée à l’énarme de son écu. Entre deux ahans, il entrevit une épaule et frappa : le croissant d’acier poitevin glissa sur le bouclier de Renaud, prompt à l’esquive.
    « Et voilà que ce malfaisant veut m’accabler ! Je ne vais pas rester à embourser [55] des coups ! »
    Sur leur fond d’azur craquelé, les lions d’or équeutés sursautèrent.
    Ogier contre-riposta, crut pouvoir atteindre Augignac à la hanche, mais celui-ci, éperonnant son cheval, s’effaça.
    « Si ce malandrin se dérobe, pas moi ! »
    Il revint à la charge l’arme haute et d’instinct, en l’abattant, pressentit le danger. «  Tu l’as mal engagée. » Trop tard : sans surprise, saoul de rage, il entendit un craquement et sut – pas question de voir – que le manche de sa hache était rompu.
    Le rire de Renaud, sous sa défense de fer percée de trois trous – les yeux et la bouche –, fut d’autant plus éclatant qu’autour des combattants la stupeur avait balayé les encouragements et les huées. « Rien à faire ! » Avancer ou reculer serait se découvrir, et malgré l’armure, se mettre en péril de mort.
    — Achève cet estrif [56] , cousin ! hurla Tancrède.
    Les cris recommencèrent tandis qu’Ogier subissait plusieurs assauts imprécis. Pour s’abriter au mieux, il demeura aussi près que possible de Renaud acharné à

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