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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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coucheraient à Oradour, et il fallait qu’ils y parvinssent promptement, car malgré son bras replié devant lui, immobile ou presque, il souffrait. Le sang tachait sa cuissière et son gipon de mailles. À mesure que la douleur s’affirmait, il se sentait dépérir.
    — Pourvu que leurs archers ne nous poursuivent pas !
    Il se savait incapable de supporter un galop, encore moins de combattre.
    En les apercevant au seuil de la forêt, le pâtre, incrédule, s’immobilisa parmi ses chèvres.
    — Eh oui, lui lança Champartel, Renaud est mat !… Méfie-toi, l’homme : Thibaut d’Augignac, ces temps-ci, sera d’une humeur pire que celle de ton bouc !

V
    Engourdi et brûlé de souffrances éparses qui, pareilles à des sangsues, semblaient se gorger de ses forces, Ogier atteignit Oradour. Il avait vomi quatre fois et ne se méprenait plus sur la gravité de son état : la mort sournoisement serpentait dans son corps. Sans Bressolles, accouru à sa rencontre, il eût vidé les arçons.
    — Ôtez-moi vivement cette armure, Girbert, supplia-t-il, tandis qu’en voyant la cubitière, le gantelet et la cuissière maculés de sang et de fiel, Adelis poussait un cri.
    Soutenu par le maçon et la jeune femme, il se laissa porter jusqu’au seuil d’une chambre. Thierry et Matthieu Eyze le délivrèrent de ses fers, de son gambison et des doublets rembourrés destinés à amortir les coups.
    — Eh bien, grommela l’écuyer en retirant la chemise dont la manche trouée gluait de vermillon, ce malfaisant a su vous empoindre [68]  !
    Frissonnant de douleur et de fièvre, Ogier se laissa choir sur le lit.
    — Où est ma cousine ? demanda-t-il, les yeux clos.
    — Dehors, dit Thierry, avec Briatexte. Ils ne se sont guère quittés !
    — Laissez-vous aller, messire, murmura Adelis en lavant la plaie. Qu’en pensez-vous, messires ?
    — Je n’ai jamais vu une entaille de cette espèce épancher tant de sang putride ! dit Matthieu Eyze.
    — Moi également, dit Bressolles. La grosse veine qu’on a en cet endroit est peut-être rompue, d’où cet épanchement… Une corde, dame Perrine…
    Ogier ouvrit les yeux et vit mal les visages penchés sur lui.
    — Il va nous falloir serrer là, sous l’épaule, dit Bressolles. Quand la plaie cessera de saigner, je la verrai de plus près.
    — Par saint Michel, grommela Raymond, toute la nuit passée, Renaud a dû laisser tremper sa lame dans quelque pourriture dont nous ignorons le remède.
    — Te voilà rassurant, ricana Briatexte, statue sombre dans l’embrasure de la porte. Mais il est vrai que la pointe de son épée était noire, ainsi que le picot de sa lance.
    Saladin vint flairer les gouttes rouges sur les dalles ; Bressolles le repoussa :
    — Va-t’en ! Un malade suffit !… Mouillez bien cette plaie, Adelis. Rien, maintenant, n’est meilleur que cette eau chaude. Ensuite, vous le laverez tout entier pour apaiser sa fièvre.
    Ogier sourcilla, regarda le maçon, puis Briatexte. « Ils sont de la Langue d’Oc, et pourtant… » Une idée effleura son cerveau, mais il était trop las : elle s’évanouit. Il grogna quand la corde du garrot comprima le haut de son biceps.
    — Faudrait quérir un mire, proposa Champartel.
    — Un mire ! s’ébahit Matthieu Eyze. Le seul que nous ayons est à trois lieues d’ici.
    Dame Perrine apparut :
    — J’ai du suc de millefeuille [69] . Mêlé à du saindoux, il arrêtera cette saignée… qu’il faut nettoyer avec de l’eau-de-vie que j’apporte…
    — La plaie est profonde, dit Bressolles. J’ai déjà vu des lésions pareilles… Cautériser laisse des marques. Le meilleur, c’est de purifier à l’eau-de-vie – j’en conviens –, puis de coudre… Deux points serrés suffiront… Ensuite, nous maintiendrons le bras ployé… Sauriez-vous, Adelis ?
    La jeune femme hésita ; Ogier l’encouragea :
    — Vous pouvez le faire. Vous soigniez nos navrés [70] à Rechignac. Oubliez que c’est de moi qu’il s’agit… Et voyez : dame Perrine a tout prévu.
    Adelis prit l’aiguillée de fil que la commère lui tendait. Elle s’assit sur le bord du lit et tandis qu’elle examinait l’estocade suintante, Ogier lui trouva les mains fines, soignées. Elle avait séparé en deux tresses légères ses longs cheveux dont l’or déteignait sur son cou, et comme l’émotion apparaissait plus encore sur sa poitrine haletante que sur son visage pensif, le garçon évoqua le

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