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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cela est la faute de sa cousine… Et même de Jean, qui devait en être amouré.
    Les survivants de la bataille alignés, miséreux et hagards, dans la cour ombreuse d’une forteresse… C’est répugnant, la défaite.
    C’est… Ah ! qu’ils cessent de parler… Trois cents… moins peut-être. Tous navrés, certains même amputés d’un bras… Éclopés vivants aux jambes fléchissantes… Trois cents sur vingt-cinq mille… Et on allait accuser Godefroy d’Argouges de cette tuerie, imputable surtout à Richard de Blainville…
    — C’est un traître !… Lâchez-moi !… Mais lâchez-moi par pitié ! C’est lui… C’est lui… Je l’ai vu avec des archers anglais !
    —  Il va tomber du lit… Tenez-le bien.
    — Il souffre de son passé… Le vrai poison, c’est son passé.
    — Jamais je ne l’ai vu complètement heureux, depuis cinq ans que je le connais… J’ai compris pourquoi il y a quelques jours, quand j’ai su qu’on avait diffamé les lions de ses armes… Pour un seigneur, sa famille… et surtout un fils tel qu’Ogier, c’est un châtiment pareil à une mort lente…
    — Il doit se demander en quel état il va retrouver ses parents, le château de sa jeunesse…
    —  Aidez-moi !… Aidez-moi !… Mon père n’a jamais failli !
    Godefroy d’Argouges à cheval sur un tronc d’arbre, chancelant, blessé, subissant le suprême outrage… Et Blainville exultant ; Blainville traînant dans le fumier, pointe en haut, l’écu des Argouges… Blainville, après cette souillure, équeutant les lions d’or en quelques noirs coups de pinceau, et voulant parachever son triomphe.
    —  Le bourreau !… Non ! Non !
    — Il va passer une mauvaise nuit.
    — Voulez-vous, Adelis, que je reste avec vous à son chevet ?
    — Non, Girbert, je le veillerai… Allez dormir… Vous en avez besoin.
    Silence. Les draps-suaires vrillés autour du corps tourmenté. Vivre pour se venger ! Vivre pour…
    — C’est à moi de nous revancher !
    Le cœur dont le tocsin bat dans une fournaise.
    — Une iniquité !… Je ne veux pas aller à Rechignac… Père, laissez-moi revenir à Gratot… Nous irons trouver le roi… Nous…
    Le bras qui se tend et retombe. La nuit. Le souffle rauque ; le corps glacé, poissé ; les tempes bourdonnantes.
    —  En suant, il se désempoisonne… La même blessure que la mienne, mais son épée à lui était saine.
    — Sortez, messire Briatexte ! On dirait que vous vous réjouissez de le voir en cet état !… Est-ce parce qu’il vous a vaincu quand vous serviez Robert Knolles ?
    — Il ne m’a pas vaincu : il m’a désarmé !
    — Vous n’êtes pas de la Langue d’Oc ! Nous le savons tous.
    — Qu’importe d’où je viens, m’amie… Je m’en vais vous quitter… Lui, hélas ! n’est, pas prêt de revoir son Gratot… s’il survit, ce dont je commence à douter !
    — Partez ! Je vais d’ailleurs clore cet huis au verrou.
    Ténèbres et silence. Était-il seul ? Il grelottait. Quelque chose de froid sur son front. Une main sans doute… Anne ? Non, elle s’était enfuie avec un huron… Margot ?… Non plus. Ni Aliénor ni Clotilde…
    —  Ne bougez pas… Ne vous esmayez pas [74]  !
    Voix douce. Le sang sèche dans les veines et bouillonne sous la voûte du crâne… « Père !… Mère ! Attendez-moi… » Il s’enlisait dans une nuit gluante. En riant, Renaud lui tendit la main et voulut l’entraîner.
    — Non ! Tu es mort… Mort ! Mort !
    La nuit. Dormir. Dormir encore et peut-être toujours.
    — J’ai froid…
    Il frémissait, le mal se déployait jusqu’au bout de ses doigts et de ses orteils. Était-ce l’hiver ? Glace et neige. Des flocons de souvenirs fondaient dans sa mémoire. Il avait des soubresauts, des étouffements et des râles et luttait, farouche, contre l’emprise de ce gel pétrifiant alors qu’en ses tréfonds, il flamboyait.
    — Ah ! dame… Vous faites bien de me venir réchauffer.
    Cette nudité, au moment de l’irrémédiable noyade, c’étaient à la fois la dilection paisible et le plaisir léger, diffus, réconfortant, de se voir aider contre la male mort. Un moment, les spasmes impétueux s’espacèrent et les longues brûlures pareilles à des coups de fouet s’attiédirent. Rémission presque voluptueuse due à cette douceur charnelle, plus perceptible encore dans les affres du trépas que dans la félicité de

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