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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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n’avait pas ménagé son coursier. Ses cheveux blonds, longs, bouclés, gênaient sa vue.
    — Tout en noir ! Je conçois, ribaud, que tu portes ton deuil.
    Les lames s’entrechoquèrent. Derrière Eudes, Ogier aperçut Thierry frappant en force dans la mêlée ; puis il découvrit les fugitifs. Ils étaient à pied. Pourvus de triques noueuses prélevées sur quelque fagotier, ils participaient à l’échauffourrée. Quels qu’ils fussent, pour agir ainsi, c’étaient des preux.
    Une voix domina les clameurs :
    — Champerret ! Canteleux ! Aidez Andoche et Puyferrand !… Et si vous craignez de ne pouvoir vous emparer de ces deux sires vivants, trespercez-les !
    L’homme aussitôt gémit.
    — Embroché ! ricana Raymond. À qui d’autre à présent ?
    Confiance retenant l’épée d’Eudes dans l’angle d’un de ses quillons, Ogier vit trois sicaires – un cavalier et deux piétons – attaquer le fuyard le plus jeune. Son bâton vola en éclats, son hoqueton s’ouvrit et se vermillonna : l’épaule droite. Portant sa main à sa blessure, il hurla :
    — Courage, messire Jean… et foi en nos sauveurs !
    Il tomba et se releva. Le cavalier revint l’assaillir, ce que voyant, Ogier poussa Marchegai en avant, tordant le bras de Blérancourt si sauvagement que le blondin lâcha son arme.
    — Je vais t’occire à mon retour !
    Il galopa jusqu’aux fugitifs.
    Trop occupé à achever son homme, le cavalier, penché à l’extrême, reçut en plein dos une taillade qui l’ouvrit jusqu’aux reins. Il chut près de sa victime, tandis que son cheval galopait sous les arbres. L’un des assaillants hésita, puis se précipita vers la mêlée. Son compagnon s’en prit au second fuyard dont l’épieu dérisoire craqua et se rompit. Le malandrin porta un fendant, puis un autre, et l’inconnu vêtu de gris s’effondra.
    — Vous êtes mat, messire Jean !… Reverrez point… la Bretagne !
    Et le truand riait. Il gargouilla soudain, la bouche élargie par le tranchant de Confiance. Il tomba. Ogier l’offrit aux sabots de Marchegai.
    Il se sentait devenir un démon. Pour combattre à son aise, il sauta hors de selle et fit front. Eudes fut devant lui, à pied, sa lame toujours nette, scintillante. Visage exsangue aux traits parfaits, mais l’œil était d’un loup.
    — Quand Blainville te pleurera, comment ce sera vermine ? Comme un bon serviteur ou une concubine ?
    Blérancourt se regimba : Confiance sursauta si violemment par deux fois qu’Ogier sentit son sang quitter ses doigts. « Pour une femelle, il frappe comme un bûcheron ! » Il recula, éprouvant une jouissance âcre, puissante, à feindre d’être dominé. Il devait, en excitant ce chapon, l’inciter aux imprudences. Et comme ils cessaient d’échanger des coups, leurs épées levées, les croisettes à hauteur du visage, il s’enquit :
    — Es-tu Normande ou Bretonne ? À qui dois-je annoncer le trépas qui t’attend ?
    Nouveau heurt, de la même violence que les autres. À s’employer si ardemment, Eudes devenait blafard. Qu’il frappe. Encore ! «  Vas - y ! » À senestre, Ogier aperçut son père, fort occupé, mais sûr de soi. Puis Thierry, toujours sur Veillantif et moulinant l’acier contre deux piétons. Il gauchit [148] une fois de plus, rit des vains efforts de son antagoniste, vit avec soulagement que Raymond l’emportait sur un nouvel adversaire, et si parfaitement que celui-ci guerpissait.
    — À toi, Saladin !
    Le chien bondit dans le dos du rustique et le saisit à la nuque. Le cri désespéré, davantage que l’odeur du sang qui jaillissait sous les crocs, parut exciter Péronne : elle se joignit à son congénère, mordant et lacérant, elle aussi.
    — Manant ! hoqueta Eudes. Nous te croyions mort. D’où viens-tu ?… Pourquoi, bâtard, as-tu ressuscité ? Avant midi, Gratot nous appartiendra… Plus d’Argouges ! Vos serviteurs taillés en pièces… Nous coucherons ta sœur sur l’herbe et l’enconnerons à qui mieux mieux !
    Sans s’émouvoir, Ogier déjoua une taillade puis une autre. Tout autour, les aciers tintaient, cliquetaient. Et ce bruit, sans qu’il sût pourquoi – peut-être simplement parce qu’il l’entendait mieux – parut mettre soudain entre son père et lui une distance pleine de ténèbres. Il s’apeura :
    — Père ?
    Bavant de haine inépuisée, Blérancourt s’emporta :
    — Ton vieux ne tiendra pas devant notre Berthier !…

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