Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
Vom Netzwerk:
ombrageux.
    Ogier vit son père fléchir le genou et saisir si brusquement la dextre du blessé que celui-ci exhala une plainte.
    — Messire Montfort, certains vous ont dit mort, d’autres vivant… et vivant en Angleterre… Et je vous vois en Normandie !
    — Montfort ?… Jean de Montfort ? s’étonna Ogier.
    Quittant le visage rude, son regard descendit jusqu’aux déchirures du sarrau de futaine, rouges de sang.
    — C’est lui, dit Godefroy d’Argouges. Oh ! bien sûr, il ne me reconnaît pas : j’ai tant vieilli !
    Et s’inclinant davantage :
    — Messire, je vous ai challengé aux joutes de Rennes et de Ploërmel, à celles de Fougères et d’Hennebont. Nous étions, Dieu me pardonne, tout aussi félonneux l’un que l’autre ! Surtout à Rennes…
    Tout en fronçant les sourcils dans un effort de mémoire, le blessé eut un sourire pour cet homme aux traits secs, rayés de rides et qui, volontairement ou non, l’honorait d’une génuflexion.
    — Rennes…
    — Oui, messire ! J’y suis allé trois fois et vous ai bouté hors… Ces temps étaient meilleurs pour vous et moi !
    Le blessé regarda les visages penchés sur le sien tandis qu’Ogier lui trouvait, sous la fermeté des traits, un air de fragilité poignant. Il était remué, saisi par cette découverte : « Montfort ! » Cet homme avait voulu régner sur la Bretagne ; par ses prétentions, il avait provoqué une guerre : elle durait toujours, à ce que l’on disait. Il ne fut pas surpris que son père insistât :
    — Vous ne me reconnaissez point. Or, moi, monseigneur Jean de Montfort, j’ai bonne souvenance de vous.
    Les paupières aux cils mouillés clignèrent cependant qu’Ogier se sentait épié, menacé par des forces invisibles. Il n’était à Gratot que depuis deux jours et se trouvait inclus dans un événement d’importance : un des alliés privilégiés d’Édouard III gisait à ses pieds. Montfort ! Rien ne lui avait paru plus aisé, naguère, que d’accoler à ce nom-là le mot traître. La même symétrie, prompte et absolue, que pour Godefroy d’Harcourt. Figures semblables ? Sans doute, bien qu’au contraire des raisons profondes du Normand, il ne sut que l’essentiel de celles du Breton. Leurs félonies parallèles et les actes sanglants qu’elles avaient provoqués les excluaient pour lui de la Chevalerie et mettaient en évidence la quasi-sainteté de son père.
    — Messire, à Pierreguis [150] d’où je viens, certains barons vous disaient captif du roi Philippe depuis le siège de Nantes, voici quatre ans, mais d’autres prétendaient que vous vous étiez enfui de votre geôle et viviez à Windesore… et d’autres vous disaient trépassé… Vous voilà pourchassé sous nos yeux, puis estoqué par la truandaille de Richard de Blainville !
    Le blessé grogna. Il était vêtu comme un manant : un sarrau gris, des hauts-de-chausses gris, troués ; des houseaux poussiéreux. D’où venait-il ? Pourquoi s’était-il trouvé dans ce manoir en bord de mer ? Hôte ou otage, depuis quand y vivait-il ?
    — Vous avez vu comment l’amitié se dénoue ?
    Montfort eut un sourire. L’étonnement de ces quatre hommes dont l’action le confondait le remplissait de satisfaction.
    — Blainville ! Vous semblez édifiés sur lui autant que moi !
    — Hélas ! dit Ogier dont l’inquiétude persistait. Nous savons quelle bannière il a choisi de servir.
    Godefroy d’Argouges se releva :
    — Le fait que ce démon ait lancé une herpaille [151] à votre poursuite suffisait pour que nous vous aidions.
    — Aurions-nous su alors quel homme vous étiez que nous aurions agi de même. Entre un traître tel que lui et vous…
    — Car vous savez qu’il est un traître !
    — Oui. Mais que pouvons-nous contre lui ? Rien.
    Tandis qu’il s’exprimait, Ogier se sentit happé par le passé. Il vivait depuis huit mois chez son oncle lorsqu’un chevaucheur leur avait appris que Jean III de Bretagne étant mort à Caen sans héritier [152] , deux candidats prétendaient à sa succession : la boiteuse Jeanne de Penthièvre, épouse de Charles de Blois et fille de Guy, frère puîné du défunt, et le comte de Montfort, son demi-frère. La loi salique interdisant aux femmes de régner n’existant pas en Bretagne, Jeanne avait pu prétendre à l’héritage tandis que pour la même raison Montfort, lui, s’appuyait sur le droit français. Plutôt que de soutenir cette

Weitere Kostenlose Bücher