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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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les chevaucheurs. Ils avaient passé le seuil du manoir courbés sur l’encolure de leur roncin comme s’ils craignaient qu’on leur décochât quelque trait. Maintenant, ils se relevaient. Le premier portait un pourpoint bleu et des chausses grises : le second n’était vêtu que de gris.
    — Ils n’ont aucune épée, semble-t-il, dit Raymond.
    Des hurlements retentirent entre les murs. Par l’échancrure de l’entrée, Ogier aperçut un remuement d’hommes et de chevaux.
    — Il se passe au logis de ce malfaisant un événement d’importance !
    Un son de trompe bref, exigeant, retentit. Godefroy d’Argouges força Passavant à reculer sous les arbres et engagea Thierry, le plus proche de lui, à l’imiter.
    — Hé là, messire Ogier !… Voyez comme ils sortent !
    Lancée au grand galop, une troupe de cavaliers apparaissait. Leurs cris se mêlaient aux piaillements des mouettes. Retenant Marcepin que des mouches agaçaient, Raymond s’exclama :
    — Ces deux hommes étaient captifs de Blainville. Ils se sauvent !
    — Ils doivent valoir leur pesant d’or, dit Godefroy d’Argouges, pour qu’il lance dix gars à leur ressuite.
    — Tous accourent vers nous, s’inquiéta Thierry.
    — Sans se douter de notre présence, dit Raymond, à court de souffle.
    Ogier observait la poursuite. Autant qu’il pouvait en juger d’aussi loin, excepté le meneur dont la livrée noire désignait peut-être un capitaine, aucun des pourchasseurs ne ressemblait à un homme d’armes. Ils étaient coiffés de chaperons et d’aumusses, vêtus de drap terne et ceints d’une épée. Ils éperonnaient si fort leur cheval que certains hennissaient de souffrance. Obliquant sur leur gauche, les fuyards approchaient du bois, sachant que le salut dépendait de leur vélocité à s’engager sous la feuillée.
    — Reculons encore, dit Thierry. Avec nos chiens qui savent se tenir quiets, nous serons en sûreté… Mais quels que soient ces fugitifs, il me semble que nous leur devons notre aide… quoi qu’il advienne !
    Il dégaina son épée. Ogier trouva cette détermination estimable et ce geste prématuré. Néanmoins, il tira Confiance hors du fourreau :
    — Ces fuyards sont à deux contre dix, Champartel. De plus, ils étaient en captivité chez Blainville. Tu as raison : nous ne pouvons que nous ranger de leur côté.
    Il étouffait d’une impatience meurtrière : ainsi, dès son retour, à défaut du maître, il pourrait affronter quelques-uns de ses satellites.
    — Ils seront bientôt là !
    Une sorte de brouillard obscurcissait ses yeux. Son sang martelait ses tempes. Il se retenait de crier : «  Par ici, les fuyards ! Par ici ! » C’eût été perdre l’avantage de l’embûche. Toutefois, un scrupule le prit :
    — Êtes-vous d’accord, Père, pour assaillir ces coquins ?
    Godefroy d’Argouges acquiesça de la tête, puis, l’index tendu en direction du manoir :
    — Le voilà !
    Enveloppé d’un manteau noir, un homme venait d’apparaître entre les piliers du portail. Poings aux hanches, il assistait à la poursuite.
    — Pour qu’il surveille ainsi ses mercenaires, mon fils, c’est que ces deux otages doivent valoir une bonne rançon ou qu’ils peuvent, à son grand dam, dénoncer quelque entreprise néfaste et d’importance !
    — Rançonnables, eux  ?… S’ils ont fui, Père, c’est sûrement pour échapper à la mort… Cachons-nous !
    Ils s’enfoncèrent à reculons dans un fourré de hautes fougères, dos et tête baissés pour éviter de s’accrocher aux branches. Les chiens s’assirent à l’ombre. Thierry émit son opinion :
    — Nul ne peut nous trouver en passant au galop. Que proposez-vous ?
    Du bout des doigts, tout en épiant les fugitifs, Ogier lacéra une toile d’araignée tendue entre deux rameaux :
    — Un vieux et un jeune.
    Ils achevaient la traversée de la lande. Ils paraissaient savoir qu’il existait au fond du goulet formé par les deux bras de forêt, un sentier où ils pouvaient espérer distancer leurs poursuiveurs. Ceux-ci demeuraient groupés, criant toujours et d’autant plus fort qu’ils comblaient leur retard. Sur le seuil du manoir, Blainville – si c’était lui – venait de disparaître.
    — Que proposes-tu, Ogier ?
    — C’est simple, Père… Nous laissons galoper devant nous ces deux hommes puis, en nous préparant, nous accordons aussi le chemin aux dix autres, mais aussitôt le dixième passé,

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