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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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façons, enfourné sa chevelure. Un gorgerin de dentelle défendait sa poitrine abondante, que le Barbet devait apprécier. Quand Montfort eut apaisé sa soif, elle le soutint pour qu’il pût se glisser doucement dans les draps, puis s’assurant que le récipient d’étain avait été vidé entièrement :
    — Vous guérirez, vous guérirez !
    Elle sortit, leste et rieuse. Ogier ferma la porte et regarda Montfort :
    — Je ne doute pas, seigneur duc, de ce que vient de dire Isaure.
    — Je te dois la vie, mon gars, et rends grâce à ta vaillance. Par Dieu, je vais bien mieux.
    Les sourcils se froncèrent sous l’effet d’un élancement, mais la bouche frangée de poils poisseux sourit :
    — Eh oui, je vais mieux…
    Les rides avaient perdu leur aspect de griffures ; les pulsations du cœur se lisaient sur les mains animées d’un léger tremblement. Les poignets et les avant-bras solides, bourrelés de veines gonflées de sève bleue, exprimaient l’énergie, la force. Quant au visage, il reflétait, outre la fermeté, une sérénité majestueuse.
    — Messire duc, vous me voyez heureux de vous trouver ainsi.
    Réprimant un accès de compassion inexplicable, Ogier faillit avouer à cet homme pensif et sans doute angoissé qu’il ne discernait rien en lui du félon imaginé dans ses méditations sur le conflit de Bretagne. À l’exécration succédait la pitié, voire même – et c’était le comble –, une espèce de gratitude : Montfort lui avait permis de porter le premier coup à Blainville.
    — Souffrez-vous, messire ?
    Une lueur anima les prunelles ternies. Les lèvres pleines, larges, se contractèrent :
    — Par sainte Anne, ces plaies me cuisent !
    — C’est bon signe, dit Godefroy d’Argouges. Quand on ne sent plus rien, c’est que la mort est proche.
    — La mort !
    Les paupières se fermèrent, puis le regard à nouveau découvert dévisagea le père et le fils.
    — Depuis si longtemps qu’elle colle à mes chausses, il faudra bien que la mort me surquérisse [160] à l’heure où je me méfierai le moins… Mais si le Charlot [161] me voyait présentement, il s’ébaudirait… et sa femme encore plus !
    Montfort eut un bref sourire ; sa voix, tandis qu’il s’adressait à Godefroy d’Argouges, devint froide, acérée :
    — Pourquoi me regardes-tu ainsi ? Serais-je, pour toi aussi, indigne… dévoyé ? Sache-le : pour mes compagnons, je suis droit, méritant et loyal… Les vrais Bretons sont avec moi !
    — Messire, nous avons, père et moi, jugé de loin les discordes de Bretagne. Ne vous courroucez pas, cela ne vous vaut rien. Nous ne sommes ni vos juges, ni vos amis, ni vos alliés, mais vous pouvez nous considérer fiablement [162] .
    L’attention de Montfort se porta sur Ogier ; le défi s’y mêlait à de la bienveillance :
    — Toi que je sens prêt à me condamner, qu’aurais-tu fait à ma place ?… J’ai toujours souhaité un long règne à Jean III, même avant d’apprendre que le roi de France voulait que Jeanne de Penthièvre, à mon détriment, hérite de mon frère.
    — Votre demi-frère, reprocha doucement Ogier. Jean III n’était que votre demi-frère.
    Montfort ne s’interrompit pas pour autant :
    — Cela remonte à bien avant son mariage avec Charles de Blois. Même en ayant jugé de loin les affaires de Bretagne, ignorez-vous que les états de mon duché s’étaient courroucés autant que moi à l’idée de voir un proche parent de Philippe VI régner sur leur pays, puisqu’un jour, il pouvait prendre fantaisie à ce roi trouvé de françaiser les Bretons ?
    — Nous avons, nous aussi, une crainte pareille, soupira Godefroy d’Argouges. Cesser d’être Normands pour devenir Français. Vous le savez, Montfort : une Charte ou plutôt deux garantissent nos droits. Miles de Noyers et Philippe VI ont essayé d’en amoindrir les effets… Nos libertés, nos franchises, nos usages ont souffert de ces assauts… C’est d’ailleurs la vraie raison pour laquelle Godefroy d’Harcourt rechercha l’alliance anglaise [163] … Il veut que la Normandie reste aux Normands.
    Montfort approuva d’un clignement d’œil.
    — J’ai pensé que le mariage de Jeanne et de Charles de Blois confirmerait mes droits à la succession de mon frère. En effet, manants, bourgeois, barons, tous, comme les états de Bretagne, récusaient Charles de Blois. Quand certains seigneurs se furent cependant ralliés à cette idée

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