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Les fleurs d'acier

Les fleurs d'acier

Titel: Les fleurs d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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d’armes. « Un traître ? »
    Jusqu’ici, rien, dans les faits et gestes de Jean de Montfort, ne l’autorisait à le mépriser. Il avait écouté un homme aigri, mais serein, et surtout un prince aimant son duché. Il avait hâte de savoir la suite.
    Quand, à la nuit tombante, il revint au chevet du blessé, celui-ci semblait éveillé depuis longtemps. Sa fièvre était tombée. Les lueurs d’un candélabre posé à son chevet animaient son visage paisible. Assis dans la ruelle, Godefroy d’Argouges attendait, lui aussi, la fin de cette confession dans laquelle le Breton semblait vouloir livrer toute son âme, définitivement.
    — Je vois, dit-il, que mes malheurs ne vous sont pas indifférents. Votre Isaure m’a fait boire encore une écuellée de son bouillon et je me sens prêt à parler… Où en étions-nous ?
    — À Caen, dit Ogier, lorsque Jean III vous a dit que s’il revenait en santé, il réparerait ses torts.
    Jean de Montfort ferma les yeux ; ses mains se crispèrent sur le drap comme pour retenir quelque chose. Peut-être les remembrances qui foisonnaient dans sa tête le démangeaient-elles jusqu’au bout des doigts.
    — Oui… J’y suis… Que vous dire, sinon qu’après que je l’eus adjuré de se conduire en frère, Jean III me confia qu’il avait cru écarter le danger d’une guerre civile en mariant Jeanne et Charles de Blois ; mais ce Français lui devenait suspect, et ni la noblesse ni le peuple de Bretagne n’oublieraient jamais ses origines.
    Je l’approuvai : les Bretons étaient trop fiers, trop jaloux de toutes leurs franchises pour se soumettre à une femme et surtout à un forain [168] dont elle avait fait son époux. J’ajoutai : « Blois trouvera en moi un rival acharné, monseigneur, car vous avez trop bonne opinion de mon sang, qui est vôtre, pour croire que je puisse renoncer à mes droits sur le duché sans avoir essayé de les faire valoir ! » J’ajoutai encore que j’étais moi aussi fils d’Arthur II, que Jeanne n’était que sa nièce… et que l’héritage de Bretagne m’appartenait en droit. J’affirmai que le roi de France, si j’étais duc, n’oserait rien entreprendre contre un duché qui compterait autant de guerriers que de sujets, et que tous les barons et le peuple formaient des vœux pour moi… À quoi Jean III répondit : « Je le sais… Mais j’ai leur serment… Or donc, je suis tranquille. » Je lui dis que j’aurais une armée contre Blois et que s’il le fallait, j’appellerais le roi d’Angleterre à mon aide. Alors, fermant les yeux, le malade s’écria : « Seigneur, ayez pitié de la Bretagne ! » À quoi je répliquai : « Commencez, mon frère, à en avoir pitié vous-même !… Car vous pouvez, de quelques mots sur un parchemin, conjurer tous les malheurs… Le temps presse… Si vous ne faites rien, tout le sang versé souillera votre nom pour toujours. » Voilà…
    Un soupir de malerage ou de lassitude parut soulager Montfort.
    — Que fit Jean III ? demanda Ogier. Nous n’en savons rien et je crains que les Bretons ne soient comme nous !
    — Mon frère, reprit Montfort, me demanda de m’éloigner. Il me fit mander à son chevet le lendemain de cet entretien et m’avoua la faute qu’il avait commise en s’assotant de Jeanne… Il ajouta qu’il avait fait le nécessaire pour que le duché me revienne, et Charles de Louviers, que je rencontrai peu après, m’assura que Jean III m’avait institué son héritier légitime… Hélas ! ce testament ne fut pas retrouvé [169] … Quelqu’un – mais qui ? – l’avait robé. On ne retrouva qu’un codicille où il n’était fait mention d’aucune des dispositions de cet acte… Néanmoins, sous le coup de la décision de mon frère, je repartis pour la Bretagne et dès la mort de Jean qui, avant de fermer les yeux, avait répété ses volontés dernières, je me rendis à Nantes avec ma femme et notre fils, et m’y fis couronner.
    — Devant peu d’amis, remarqua Godefroy d’Argouges. Un seul chevalier, Hervé de Léon… Il vous a trahi par la suite !
    Montfort n’eut cure de cette remarque :
    — Puis j’allai à Limoges… où mon frère avait déposé ses trésors.
    — Vous n’y aviez aucun droit, dit Ogier, n’étant pas fils de Marie de Limoges !
    — Guy était mort ; Pierre était mort.
    — Ce trésor revenait à Jeanne de Penthièvre.
    — J’avais reçu de Jean l’ordre d’en

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