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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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à des souvenirs lointains brusquement exhu més, Ogier d’Argouges fit comprendre à l’intrus, d’un geste, qu’il pouvait se retirer. Or, Bagerant demeura sur place.
    – Vous ne verrez point Guichard, dit-il, et ne pourrez vous venger… Je ne sais ce que fait Rochechouart, mais il se peut qu’il nous revienne… M’autorisez-vous à vous fournir un complément…
    Avant que Bagerant eût achevé sa phrase, Argouges se fâcha :
    – Va, l’homme, mais vélocement !
    Le malandrin obtempéra :
    – On dit que l’Archiprêtre – qui ne vous aime pas -va se joindre à nous.
    – Ce sera, dit Tristan, pour faire désertion. Je le connais bien mieux encore que mon beau-père !
    Un rire. Bagerant partageait cet avis.
    – Désertion ! dit-il gaiement. Tu choisis de jolis mots, Castelreng. Or, il convient que je te rassure. Cervole n’a plus ses hommes en main : les loups grondent autour de lui…
    – Tant mieux !… Qu’ils le dévorent (522)  !
    – Je crois qu’il est en Aussay (523) mais il paraît qu’il nous doit rejoindre soit lorsque nous cheminerons, soit à Montpellier. C’est là que nous nous réunirons tous et que nous exigerons des tonneaux de florins d’or afin de nous décider à obéir au Pape. Guesclin nous l’a dit : le Saint-Père va devoir nous récompenser hautement pour que nous allions porter la bonne parole en Espagne.
    Bagerant riait toujours. Dans sa tête foisonnaient des scènes de batailles et ruisselaient des pluies d’or. Derrière lui, le logement 208 s’animait. Des feux à cuire la mangeaille recommençaient à fumer tandis que dans les forges en plein vent les fèvres enlevaient le fasin 209 des fourneaux et que leurs aides manœuvrant les gros soufflets donnaient vie et couleur aux braises endormies.
    – Est-ce tout ? demanda Tristan.
    Il en avait assez de voir Bagerant, de sentir sur sa face une haleine avinée. Cependant le routier avait encore quelque chose à dire au moment même où il semblait qu’Ogier d’Argouges allait lui enjoindre une retraite décente.
    – Messire, quelqu’un vous veut du mal.
    – Parle, dit le seigneur de Gratot.
    – Le tutoiement me plaît… commença Bagerant. Je reste au vous par respect… et pour vous informer que quelqu’un vous abomine… Je ne vous dirai pas qui. Tout ce que je peux vous révéler, c’est que c’est quelqu’un de jeune… Vingt ans sans doute… Routier… Je ne sais d’où il vient : ce n’est point mon affaire. Pas un chevalier mais, assurément, un bidau 210 . Un archer ou un arbalétrier… Que sais-je !… Il faisait nuit lorsque j’ai ouï ses propos. Je ne saurais vous dire à qui il s’adressait. Il me semble toutefois que son… comment dire ? son confident était un Breton.
    Ogier d’Argouges écoutait sans paraître trop se sou cier d’une pareille menace. Il pinçait les lèvres et son mépris s’en allait, au-delà de Bagerant, vers cet ennemi sans nom et sans visage.
    – Saurais-je qui il est, dit Bagerant, que je continuerais à me taire. Je puis trahir les intentions d’un homme, nullement l’homme lui-même.
    Tristan ne put que s’esclaffer :
    – Je ne te savais pas autant de bonté d’âme. Et si tu continues, tu vas me subvertir 211 .
    – Je te regracie, Bagerant, dit Ogier d’Argouges.
    Le routier s’inclina :
    –  Sang-Bouillant, veille bien sur ton beau-père !
    D’un pas bref, le routier descendit le petit chemin qui menait à l’hôtel devant lequel Guesclin, Bourbon et Calveley semblaient l’attendre. Tristan se tourna vers Ogier d’Argouges :
    – Qu’en pensez-vous ?
    Le chevalier normand hocha la tête :
    – Il me veut effrayer. Je me défie davantage d’un Guesclin que d’un soudoyer ou routier quelconque.
    Le visage était tendu ; les pupilles dilatées suivaient Bagerant dans sa marche. Si les cernes d’une nuit incomplète soulignaient de grands yeux las, le pli de la bouche restait ferme et l’attitude décidée.
    – Ce que je pense ?… J’ai occis des hommes par devoir ou nécessité. Il se peut que l’un d’eux ait eu un fils décidé à le venger. Tu le sais, mon gendre : Dieu fait la Loi, nous sauve ou nous condamne. Parfois, pour nous occire, il choisit un larron… Je tâcherai de voir qui nous suit d’assez près.
    – Moi aussi, dit Tristan.
    Un cor sonna, puis un autre, cent autres, et des cris retentirent. La foule des routiers grouilla entre les tentes comme des fourmis parmi des

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