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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pour obtenir quelque clarté.
    Cette idée n’était point celle de Bagerant mais de Robert Briquet. Nul ne broncha ni ne s’ébaudit qu’elle fût sienne.
    Tristan sortit à reculons, entraînant son beau-père dans sa retraite. Dehors, ils respirèrent un bon coup.
    – J’ai vergogne à penser que je suis avec eux.
    – Moi aussi, Tristan. Mais l’ost royal auquel j’ai appartenu n’était guère différent… Le droit de prise… Et l’on peut prendre un sac de froment tout autant qu’une femme…
    Un homme s’approchait, un long bow à la main et, dans son dos, un carquois plein de sagettes.
    – Es-tu heureux, Jack, de suivre Calveley en Espagne ?
    – Bah ! je me fais à tout. Il m’advient, Ogier, de regretter la forêt de Winslow et de n’avoir pu montrer mon aisance à cette fête d’armes d’Ashby dont tu fus un des meilleurs… Nul captif n’a été plus alosé 220 que toi… Ce fut une de ces journées dont on se souvient toujours. Sais-tu ce qu’est devenu Barbeyrac ?
    – Non.
    – Sais-tu qui j’ai vu à Bordeaux et qui a fait semblant de ne me point connaître ?
    – Comment le saurais-je ?
    – Tancrède.
    Observant le visage de son beau-père, Tristan comprit que Shirton venait d’ébrécher une sérénité des plus dense, et que tout un passé se précipitait, ainsi que l’eau d’une digue rompue, dans la tête et le cœur d’un homme que cette aventureuse au nom fabuleux avait subjugué sans qu’il osât en convenir.
    – Jack, dis-m’en davantage. Que faisait-elle ?
    – Ta cousine chevauchait à la suite du prince de Galles et de Jeanne de Kent qui, elle, m’a fait un signe de la main… du moins, je le crois. Calveley était près de moi…
    – Dis-m’en davantage !
    C’était moins une prière qu’une injonction. C’eût été le cri d’un malade demandant à un mire s’il devait s’attendre à guérir ou à trépasser. Sous le heurt inattendu, Argouges avait ployé le buste en avant comme si le coup porté par l’archer anglais l’avait atteint à l’estomac. Mais c’était son cœur qui, visiblement, saignait ; et ce fut sa mémoire qui s’embrasa sitôt que Shirton eut dit :
    –  Elle est toujours aussi belle. Le temps ne l’étreint pas, il la caresse.
    – Vit-elle seule ?
    Était-ce de l’anxiété qui travaillait, maintenant, le père de Luciane ? Un nouvel accroissement de son émoi ? À coup sûr, il revoyait sa cousine. Son visage, certes, dont il avait parfois dit l’aspect passionné, fier, insondable, mais aussi sa démarche souple qui dissimulait une ardeur dont lui seul, peut-être, avait pu mesurer la profondeur et la constance.
    – Tu dois en savoir davantage : je te sais curieux de nature, Jack… Dis-moi ce que tu sais, même devant mon gendre. Nous sommes entre hommes.
    C’était implicitement prévenir Tristan qu’il pourrait ouïr des propos désobligeants sur une merveille de féminité dont l’âme était moins pure que l’aspect.
    – On lui dit des amours avec Jeanne de Kent, mais ce sont des sornes. Des hommes, des femmes sont jaloux de cette amitié. En fait, on la voit fréquemment avec Jean de Gand 221 quand ce n’est avec Chandos 222 … Or, ce que je sais à coup sûr, c’est qu’elle est l’amante d’un jeune écuyer : Thomas de Radenhale.
    – As-tu pu savoir ce que devenaient Odile et Ethelinde de Winslow ?
    – Elles sont également à Bordeaux.
    – Un beau bordeau, en vérité ! soupira Ogier d’Argouges.
    Il avait assimilé la nouvelle. Il demanda sans la moindre avidité :
    – Quand as-tu vu ma cousine et ces belles bachelettes ?
    – Il y a moins d’un an. C’était au tout début de décembre dernier.
    Shirton posa familièrement sa senestre sur l’épaule d’Ogier d’Argouges :
    – Les temps changent. D’ennemis nous voilà désormais vos alliés.
    – Les temps changent, Jack, mais non les hommes : il se peut que le prince de Galles décide que vous êtes avec nous en détestable accointance – ce en quoi il n’aurait point tort, quelque saligot qu’il soit lui-même -, et qu’il nous faille derechef nous combattre.
    Les yeux humectés, la bouche déformée par ce qui pouvait être une réprobation ou un rire maintenu en réserve, Shirton hocha la tête :
    – C’est possible, mais si nous craignons ce retour aux batailles, il vaut mieux cesser maintenant de paroler, puisque ce serait pour rien… Si nous survivons tous au randon que nous

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