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Les fontaines de sang

Les fontaines de sang

Titel: Les fontaines de sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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pustules.
    – Nous allons devoir nous en approcher sans jamais nous fondre en elle. Ces atournements 212 ne peuvent se passer de nous. Ceux qui commandent à ces malandrins nous prendraient, sans quoi, pour des faux-frères.
    Ogier d’Argouges souriait et semblait avoir expurgé son esprit de tout ce qu’il venait d’entendre. Tristan, lui, se sentait la langue râpeuse et la gorge sèche. Comme Paindorge encore ensommeillé sortait de dessous la tente, suivi des soudoyers aussi peu éveillés, il les laissa copieusement bâiller avant de leur administrer ses volontés :
    – Toi, Robert, tu vas me rère 213 . Yvain, Jean et Lebaudy… au fait, quel est ton petit nom, à toi ?
    – Girard, messire, dit Lebaudy.
    – Bien… Alors, vous trois, soignez nos bêtes, même Alcazar qui ne mérite pas d’égards particuliers… Préparez la sommade des chevaux de bât… Démontez la tente… Voyez si vous pouvez trouver quelques fourchées de fourrage. Faites au mieux et défiez-vous de quiconque viendra rôder autour de vous !
    Paindorge allait s’éloigner. Ogier d’Argouges le retint par le coude :
    – Tu seras notre barbier. Je passerai après mon gendre.
    – Soit, messire.
    Pour affronter Guesclin, Calveley, les prud’hommes de France et les hordes soumises à leur volonté, il fallait faire preuve de moins d’outrecuidance que de décence et de netteté.
    – Nous vêtons-nous de fer, messire Ogier ? questionna Paindorge.
    – Non, Robert. En bourgeois mais la lame au côté. Nous allons couvrir moult lieues : ménageons nos chevaux. Nous ne craignons rien des pays que nous allons traverser : la bonne gent qui y vit encore a été tellement effrayée par ceux qui sont désormais nos compères que nous ne verrons ni homme ni femme ni enfant… ni même un chien : tous fuiront à l’annonce de notre approche.
    Femme , avait dit Ogier d’Argouges. Tristan se demanda si son beau-père pensait à sa fille. Il se pouvait qu’il eût envie de prier pour elle. Lui n’en sentait point la nécessité. Un sentiment moins noble que la prière le rapprochait de Luciane par la pensée : l’envie de l’étreindre et de la toucher. Le regret de ne pouvoir sentir un sein tiédir sa paume ou ses doigts s’égarer dans des mousses ombreuses. Boire un peu de son âme à sa bouche déclose, saluer le soleil au mitan des clairières, ou le soir, de leur lit, les étoiles premières dans un silence après la fièvre et les soupirs. Cela le déchirait qu’elle fût de plus en plus lointaine, rapetissée par le fardeau des jours et des nuits. Et parce qu’il évoquait son épouse et venait d’entendre un cri de fureur et de honte, il ne put que compatir aux malheurs des femmes de la nuit et fixer sa pensée sur Bagerant qui, sans doute, une fois en Espagne, pourchasserait certaines infortunées jusque dans les églises, les mahomeries et les synagogues. Où était-il maintenant ? Conférait-il avec les grands capitaines ? Quels étaient les routiers à sa solde ? Assistait-il à la cohue d’en bas ? On ne voyait que des indisciplinés qui couraient en tous sens comme lors d’une attaque. Il ne manquait qu’un peu de clarté – la connivence du soleil – pour rendre évidente la vilenie de cette armée qui, somme toute, allait représenter la France sur les grands chemins et sous les murs des cités qu’elle enragerait d’épargner !
    Plus tard, abandonnant les chevaux à la vigilance de Paindorge et des soudoyers, Tristan et son beau-père se rendirent auprès des chefs réunis en conseil dans la même salle que la veille.
    Il semblait que pour le commandement, Guesclin fût à égalité avec Calveley – ce qui devait évidemment lui déplaire.
    –  Ah ! Te voilà, toi.
    – Me voilà, Hugh, dit Argouges.
    – Veux-tu devenir un de nos chieftains ?
    –  Non. Je ne pourrais jamais… Un sourire. L’Anglais avait compris la phrase inachevée : « Je ne pourrais jamais commander une herpaille 214 . » Puis, clignant de l’œil :
    –  Et vous, messire Tristan ?
    – Je partage l’avis de mon beau-père. Guesclin ne les avait ni salués ni invités à prendre place autour de la table où l’on pintait, semblait-il, à qui mieux mieux.
    –  M’étonne pas, dit-il avant de saisir un hanap. Les grands seigneurs – Bourbon, le Bègue de Villaines, Antoine de Beaujeu et quelques autres – parurent consternés par la réponse du Normand. L’ancien champion de Philippe VI

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